La bonne conscience

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J’étais hier à vélo – occupation combien propice à la philosophie ! – et traversais le pont Alexandre III. Il y avait devant moi, sur la voie cyclable, un autre cycliste qui s’est arrêté au bout du pont, le feu étant rouge, puis est venu s’interposer entre nous un scooter et son conducteur. Et l’autre cycliste de se tourner alors vers le conducteur de scooter pour, visiblement, lui faire la leçon et le sermonner, lui expliquant que les voies cyclables étaient faites pour les vélos et les cyclistes, non pour les motos, les scooters et leur conducteurs.

Ce genre d’attitude m’horripile. Mon cycliste aurait-il été gêné par le scooter, j’aurais pu comprendre. Mais tel n’était pas ici le cas : le scooter étant derrière le vélo, il ne le gênait en rien.

D’un autre côté, je conçois bien que ne critiquer les gens que lorsque leurs faits et gestes nous gênent directement n’est pas forcément non plus une bonne politique et que ce peut être même la grande voie vers la lâcheté.

L’autre jour, confronté au même genre de choix, j’avais penché vers la solution consistant à dire que, en cas d’hésitation, un bon guide peut être l’inconfort procuré : si j’hésite entre deux attitudes, c’est  celle qui me procure de l’inconfort qui est sans doute la bonne.  Dans ce cas précis, l’application de cette règle conduirait, au rebours de mon impression, à gourmander le conducteur de scooter car c’est évidemment plus inconfortable que se taire.

Et pourtant, non. Non, parce que même si le cycliste sermonneur avait sans doute fait preuve d’un petit courage en se retournant vers le scooter pour lui faire la leçon, il n’était pas dans l’inconfort. Il avait, au contraire, tellement bonne conscience, il était tellement sûr de son fait, de son bon droit et du fait qu’il incarnait une sorte de justice immanente que le petit inconfort qu’il avait peut-être ressenti était, dans l’action, complètement submergé par le sentiment de bonne conscience et par la sorte d’autosatisfaction que ce sentiment traîne avec lui.

Et c’est cela qui dominait : le confort intellectuel et moral, qui l’emportait sur tout le reste.

Ce confort que donne la bonne conscience, probablement mieux vaut-il toujours s’en méfier.

 

Aldor Écrit par :

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