La sincérité

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L’aimée me parlait l’autre jour de la sincérité. Par sincérité, elle entend, me semble-t-il, quelque chose de plus vaste que ce qu’on entend d’ordinaire. Non pas seulement croire à ce qu’on dit et fait mais y être totalement engagé, sans aucune réserve, sans aucune réticence, sans aucune arrière-pensée.

Il est rare, dans la vie quotidienne, qu’on agisse sincèrement : le plus souvent, on n’est engagé qu’à moitié dans ce qu’on fait, l’esprit et le corps étant très largement pris par d’autres pensées, d’autres occupations : on n’est pas totalement mobilisé dans son travail de bureau, dans sa conduite de la voiture ou du vélo et, dans ces actions, l’esprit continue à baguenauder un peu. On est, en revanche, ordinairement beaucoup plus impliqué lorsqu’il s’agit de mener une action précise : planter un clou, faire un exercice de mathématiques (il s’agit alors d’une sorte d’attention), ou lorsqu’on parle, du fond du cœur, à quelqu’un qu’on aime.

Sauf lorsqu’on ment sciemment, il est souvent très difficile de se rendre compte, sur le moment, de ce qu’on est insincère. C’est après coup, généralement, qu’on le réalise : il y avait au fond de nous, tandis que nous prononcions ces mots, tandis que nous faisions ce geste, tandis que nous agissions ainsi, une petite réticence, une réserve, un retrait d’une parte de nous mêmes qui faisait que nous n’étions pas totalement là, pas totalement engagé par cette action ce geste, cette parole. Une sorte de duplicité, ou d’hypocrisie.

Mais tandis que j’écris, une deuxième acception me vient. Et peut-être est-ce à cela que pensait l’aimée : on peut être totalement dans ce qu’on fait et dit, et être pourtant en partie insincère dès lors que la finalité qu’on donne, l’objectif qu’on fixe à nos propos et à nos gestes n’est pas totalement celui qu’on prétend. C’est alors une sorte d’insincérité par omission : ce que je prétends être mon objectif l’est totalement et véritablement. Sans réserve. Mais cet objectif à la poursuite duquel nous sommes totalement engagés n’est pas le seul. Il n’est pas pur et limpide. Il est réel mais comporte une part de calcul. Et c’est dans ce calcul, dans l’arrière-pensée qu’il recouvre, que gît l’insincérité.

Je crois que c’est cela dont elle voulait parler.  Elle a raison. Et c’est un sujet plus difficile.

Aldor Écrit par :

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