Le souci du partage est parfois une faiblesse

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J’avais hier une réunion à Saclay et, en sortant, je suis allée attraper le RER à la station Lozère, traversant une partie du plateau et descendant le coteau qui permet de rejoindre la vallée de l’Yvette.

L’air était vif mais le soleil brillait et ses rayons étaient caressants. Le froid du matin avait laissé ses marques : trous d’eau recouverts encore d’une couche de glace reflétant la lumière, feuilles mortes, herbes et fleurs recouverts de givre et transformés en bijoux. C’était très beau et très agréable.

J’ai, à un moment donné, voulu photographier une feuille que le givre rendait semblable à un diadème. Mais la batterie de mon téléphone étant vide, je n’ai pu ni en saisir l’image, ni la diffuser immédiatement, comme telle était mon intention, sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter ou Flickr. Et j’en ai ressenti, quelques courts instants, une réelle frustration.

Pourquoi cette émotion ? Pourquoi le fait de ne pas pouvoir diffuser cette image, la partager, m’a-t-il gêné ?

J’entretiens depuis longtemps avec celle que j’aime une discussion sur le partage. Car elle ne partage pas, justement, mon souci du partage. Et je pense avoir compris hier, à la lumière de cet incident sans importance, la justesse, pour partie au moins, de son point de vue.

Il y a des choses et des moments que j’aime partager avec les êtres que j’aime parce que j’en éprouve un réel plaisir, cela est sûr. Mais hier, c’est autre chose qui, majoritairement, entrait en ligne de compte. Et mon souhait de partager découlait moins d’un souci altruiste de faire découvrir la beauté des choses que d’une certaine faiblesse : le besoin d’assurer, de garantir, de solidifier mon sentiment, mon émotion, en poussant à travers les réseaux sociaux une question qui pourrait se formuler ainsi : “N’est-ce pas que c’est beau, hein ?”.

Il ne s’agissait pas du tout de me faire mousser mais de me rassurer sur la véracité, le bien-fondé de mon ressenti. Comme quelqu’un qui aurait besoin, au visionnage d’un film comique, du rire de la foule alentour pour oser rire lui-même, ou dont la tristesse et les larmes ne se déclencheraient qu’en ressentant cela autour de lui.

D’une certaine façon, pour aller jusqu’au bout des choses, l’impossibilité de partager avait ceci de fondamentalement frustrant qu’elle m’empêchait de ressentir totalement l’émotion que voulais faire ressentir, comme si j’avais besoin de l’assentiment, de la compréhension des autres pour ressentir moi-même pleinement les choses.

Et je suis certain qu’il y a, pour partie au moins, de cela, dans ce désir de partager les choses que j’éprouve si souvent : une faiblesse, un creux béant au fond de moi.

Aldor Écrit par :

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