Dans le brouillard : affronter l’inconnu avec prudence

Quand la neige tombe, que les nuages sont bas ou le brouillard haut, il arrive qu’on ne voie plus grand-chose sur les pistes de ski car tout, autour de soi, est uniformément blanc. On entend les choses – encore que les sons soient rendus cotonneux – on les sent parfois mais on ne les voit plus : tout est blanc, ou gris, ou sans couleur. La prudence devient alors notre guide.

On avance, on descend, on dévale la piste dans le brouillard, ressentant dans ses jambes et son corps la pente parfois plus raide et parfois plus légère, l’accélération et la décélération, la qualité changeante de la neige : plus épaisse ici, plus glacée là. On avance, mais on fait attention.

Ne voyant rien, ne prévoyant rien, ne pouvant rien anticiper, ressentant seulement les choses après qu’elles soient advenues, on reste toujours attentifs, toujours sur le qui-vive, toujours sur nos gardes : les genoux sont fléchis, le corps replié sur lui-même, les abdominaux prêts à encaisser de possibles coups et sauts inopinés. On avance, mais sans laisser-aller.

On apprend ainsi à être continuellement en éveil, toujours prêts à tout, car ce qui approche est inconnu, imprévisible, peut-être même incompréhensible.

Notre attitude, alors, est faite essentiellement de prudence et d’attention. Et physiquement, elle est faite de repli sur soi. Car ce qui parle en nous, dans ces moments, ce motive notre comportement, dans ce genre de circonstances, c’est, fondamentalement l’instinct de survie, la crainte de se blesser, de se faire mal. On n’accueille pas l’incertitude de la pente et ses possibles surprises comme une extraordinaire aventure ; on s’y avance avec prudence, parcimonie, inquiétude. L’inconnu ne nous apparaît pas sous les traits délicieux de la surprise et de l’imprévu positif mais sous ceux, plus sévères, du possible danger et de l’accident. C’est d’ailleurs tout à fait normal.

Peut-être, avec le temps, les choses changent-elles et commence-t-on à avoir plus confiance en l’imprévu.  Peut-être notre “Inch Allah“, notre “Amen” ou notre “Qu’il en soit ainsi” se font-ils plus confiants. Mais je n’en suis pas sûr.

Et c’est après tout normal. Et sain. La prudence n’est pas une vertu en soi mais être prudent, veiller à ce que notre intégrité demeure est somme toute fondé. Quoi que j’en puisse dire par ailleurs, et j’en dis, la confiance absolue, la foi, n’est pas adaptée à toutes les circonstances.

Voilà ce que m’inspirait, ce matin, le spectacle des flocons enveloppant de leur douceur les paysages de Hauteluce.

Aldor Écrit par :

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