Travail utile, travail inutile

Devant présenter lundi, avec une collègue, les activités de l’équipe à laquelle j’appartiens, je me suis une nouvelle fois affronté à la difficulté d’expliquer à la fois la consistance de mon travail et son utilité, son sens.  Mon métier n’est en effet pas de ceux : pompier, instituteur, infirmier, agriculteur, et beaucoup d’autres, dont l’utilité sociale est manifeste…

Du point de Sirius ou même plus simplement au regard des défis du monde : les famines, l’effet de serre, les guerres, les souffrances et la haine, ce que je fais n’a aucun sens : passer du temps, comme je l’ai fait hier avec un collègue, à réflechir à la question de savoir si, dans un paragraphe précis d’un texte, le mot “signataire” ne serait pas plus adéquat que le mot “pétitionnaire”, frise le néant.  Ce n’est certes pas cela qui va sauver le monde et, tous, nous en avons pleinement conscience.

Et pourtant…

Explorant cette question, j’en viens, dans mon improvisation enregistrée, à l’idée que, dès lors qu’il ne s’agit pas d’activités criminelles ou néfastes, bien faire son travail même celui-ci est apparemment dénué de grandeur et d’utilité, est bon. Parce cela améliore les choses, les rend plus fluides et, participe, de sa modeste façon, au bon ordre du monde.

Mais à la réflexion j’irai plus loin : mon travail, pris en soi-même et pour lui-même, peut à juste titre être considéré comme inutile et risible. Mais ça n’est pas la bonne perspective ; ça n’est pas le bon point de vue. Ce n’est pour lui-même que mon travail a été conçu, pas pour lui-même qu’il est fait.

Mon travail n’a de sens qu’appréhendé dans une perspective plus globale dans laquelle il est, comme moi du reste, le rouage d’une mécanique plus vaste, où tout s’interpénètre et oeuvre de concert. Directement, je ne guéris personne, je ne nourris personne, je n’aide aucun enfant à grandir et à se révéler, je ne mets à jour aucune merveille, mais à tout cela je participe en accomplissant bien le travail qui m’est donné, en jouant au mieux le rôle qui m’est dévolu dans la grande chaîne humaine.

Aldor Écrit par :

5 Comments

  1. Lucas
    6 juin 2017
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    Malheureusement nous devons nous donner cette excuse afin de ne pas sombrer dans la dépression. Ce n’est pourtant pas la bonne solution. C’est un mensonge collectif :

    « Mon travail n’a de sens qu’appréhendé dans une perspective plus globale dans laquelle il est, comme moi du reste, le rouage d’une mécanique plus vaste, où tout s’interpénètre et œuvre de concert »

    Nous sommes en fait des esclaves de cette machine. Elle nous vole nos vies, nos bonheurs en famille, nos heures de repos, nos voyages, notre alimentation, bref tout. Ce n’est qu’un lavage de cerveau.

    Posez-vous cette question: de quoi avons-nous besoin pour vivre? Pas de iPhone, voiture, maison de luxe, sofas hors de prix etc… Nous avons besoin de manger, dormir, nous reproduire et profiter des bienfaits de la nature, des plantes, des animaux, des paysages. Alors pourquoi créer toutes choses, et travailler pour devoir les acheter? C’est un cercle ridicule qui a été créé par notre ego surdimensionné et notre envie d’être supérieur autres.

    Vous allez me dire: et les médecins alors? Ne sont-ils pas importants car ils sauvent des vies? Et bien eux non plus. La plupart de nos maladies sont des conséquences de nos modes de vie artificiels. Les plantes soignent très bien nos maux depuis des siècles. Nous déprimons pour quelle raison? Parce que nous ne sommes plus dans un environnement naturel. Nous vivons dans des prisons faites en beton.

    C’est un long sujet qui n’est malheureusement jamais développé. Quand je rentre du travail, je vois tous les autres autour de moi, avec les visages fermés, les faux sourires… On est tous des pions inutiles d’une société malade.

    Le vrai travail, c’est la terre, c’est cultiver nos fruits et légumes sans pesticides, élever des animaux sains, faire de la pisciculture etc…

    Les études, c’est apprendre les lois de la nature, connaitre les plantes qui nous guériront, savoir comment profiter de la nature sans la détruire, apprendre à vivre avec son prochain.

    Nous nous sommes perdus…

  2. 28 août 2017
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    La question de l’utilité ou de l’inutilité d’un travail est une question épineuse et délicate car, tous, nous ressentons le besoin de nous sentir utiles, mais la société – ou nos capacités – ne le permettent pas forcément. Je pense aux chômeurs, aux handicapés, aux retraités, et autres “inactifs” qui peuvent être par ailleurs très utiles à leurs familles, à leur entourage, ou même à la société par leur bénévolat, leur sens de l’écoute, leur disponibilité pour leurs amis, ou leurs activités artistiques, leur engagement militant pour telle ou telle cause, etc.

    • 29 août 2017
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      Tu as raison, Marie-Anne : il y a plein d’activités qui ne sont pas socialement reconnues alors qu’elle sont très utiles à ceux qu’elles touchent. C’est très dommage.

      • 30 août 2017
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        Oui, surtout parmi les activités artistiques, réputées “inutiles”.

        • 10 septembre 2017
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          Oui, Marie-Anne, c’est vrai.

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