La beauté n’est pas la perfection

Il existe quelques domaines – les mathématiques (et notamment la géométrie), le travail, certaines pratiques artisanales – dans lesquelles nous recherchons la perfection. Mais, dans la majorité des cas, il en va différemment, et la perfection n’est pas ce qui nous attire.

Cela est évident dans le cas de la beauté humaine : les visages les plus beaux ne sont pas les visages parfaits et il est même courant que ce soit l’imperfection qui nous attire : ce grain de beauté, la dissymétrie des yeux, cette mèche blanche qui nous émeut, cette chose, cet on-ne-sait-quoi qui fait du visage ce visage.

Mais il n’y a pas que la beauté humaine. Ma soeur, il y a longtemps, m’en avait très justement fait la remarque : à l’écoute d’un morceau de musique, la beauté jaillit le plus souvent de l’irrégularité, naît à l’instant même où la pure harmonie cède la place à autre chose, à un grain de sable qui vient briser la mélodie trop bien huilée. Et l’on pourrait dire la même chose de la beauté des villes, comme celle de Paris, que je traversais hier à la tombée de la nuit, ou de la beauté de la nature : nous pouvons aimer la nature en ce qu’elle a de régulier et d’attendu. Mais ce qui nous charme profondément au spectacle de la vie végétale et animale, comme des créations humaines, c’est son fouillis et son imprévisibilité, son irrégularité intrinsèque, son imperfection.

Certains verront peut-être dans cet amour de l’imperfection une preuve de la Chute, quelque chose comme le fruit amer de notre incapacité à être totalement dévoué au beau et au bien. Nous aimons l’imparfait et l’impur, et c’est pourquoi nous ne sommes pas vraiment capables d’aimer Dieu, le monde ou les autres, parce qu’ils sont trop grands, trop englobants, trop absolus pour nous. Nous sommes de pauvres et pitoyables James Kirk et sommes tout simplement incapables de comprendre Monsieur Spock et son souci de la perfection.

Mais je ne suis pas sûr que ceux qui pensent ainsi soient dans le vrai. Il y a, dans la quête de la perfection, lorsqu’au lieu de guider, elle devient un absolu, quelque chose qui est comme un écho de la position d’Antigone. Qui, par ce mouvement de vibration dont j’ai déjà, parlé, peut être considré aussi bien comme le degré ultime de l’humilité que comme le stade ultime de l’orgueil.

Extrémités auxquelles, dans sa médiocrité, l’imperfection ne conduit pas.

Tel est l’objet de cet enregistrement.

 

 

 

 

Aldor Écrit par :

6 Comments

  1. 11 avril 2017
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    oh oui bernard il y a beaucoup à penser sur ce thème………pour ma part la perfection m’attire car il me semble la voir dans tout ce que je perçois dans la nature, par exemple……mais ce n’est que ma *perception* 😉
    d’autre part, si j’aime l’imperfection ‘relative’ dans le jeu d’un ami au piano, c’est parce que j’y sens une ‘vraie’ perfection, une apogée du jeu des doigts sur le clavier qui traduit le ressenti du compositeur et/ou de l’interprète et je me laisse transporter, pénétrer par l’émotion que cela suscite en moi ……
    de plus (ou ‘par contre’) j’ai l’impression que chercher à aimer l’imperfection me permettrait de dépasser, en moi, ce besoin de perfection contre lequel je lutte depuis toujours car cette envie, ce désir est très inconfortable au quotidien 🙂

    • 11 avril 2017
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      Ah ! Je savais bien que tu en avais, des choses en commun avec l’aimée !

      • 11 avril 2017
        Reply

        mais oui bernard, le hasard n’est pas de ce monde si ‘parfait’, si bien ‘orchestré où tout fait *sens*……hihihi

  2. 11 avril 2017
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    Celui qui tombe et se relève, c’est comme si il n’était pas tombé .La perfection,la symétrie, vont à contre courant de la vie qui évolue.

    • 14 avril 2017
      Reply

      Oui, Charef. C’est mécanique plus que vivant.

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