Confiance ou mandat impératif ?

Seize candidats se présentent aux élections législatives dans ma circonscription. Je lisais ce matin leur profession de foi et me disais que, mis à part celui qui ne paraît être animé que par la haine d’une autre candidate, il y a, dans chacune de ces déclarations, quelque chose qui mérite qu’on s’y arrête.

Evidemment, certains des programmes me déplaisent et j’exclus de voter pour ceux qui les portent. Mais les autres ?

Si l’on fait abstraction des stratégies qui visent à l’efficacité du vote – et je sais bien qu’on ne pourra pas en faire abstraction jusqu’au bout… – on se penche sur ces visages de femmes et d’hommes et l’on se demande qui sont ceux qui inspirent le plus confiance. On observe les yeux, le sourire, la façon de se tenir, on lit les mots mis en avant, on examine la manière qu’ils ont, chacun, de parler d’eux-mêmes et on cherche à savoir qui est honnête, qui est bienveillant, qui est sincère, qui, affronté à une question difficile, fera le bon choix.

Et puis il y a cette liste : Mavoix, qui détonne dans ce paysage : leurs affiches ne montraient pas de visage mais un miroir où chacun se reflétait. Ce mouvement défend le principe d’un mandat impératif au gré duquel il n’y a pas de programme préétabli mais un engagement du député élu à suivre les consignes qui lui seront  données, sur chacun des textes débattus au parlement, par ses électeurs. Le candidat ne prend pas d’autre engagement que celui-ci : être le simple porte-parole de ceux qui l’ont élu et au profit desquels il s’efface, totalement.

Je ne partage pas, quant à moi, cette approche du mandat de député. Je crois qu’une délégation doit être donnée à celui qui est sur la brêche, dans le coeur du débat et qui est seul capable de réagir aux discours tenus à l’Assemblée, aux amendements déposés, à l’évolution des discussions.

C’est pour cela que la lecture des programmes ne suffit pas. Il faut qu’on puisse accorder sa confiance à cette femme, à cette homme, qui devra prendre des décisions en conscience, comme un juré dans une cour d’assises. Et il faut, pour cela qu’au delà de tous les programmes, de tous les mots, on puisse se fier à elle, à lui.

Et cette confiance, c’est je crois notre croyance en la capacité d’effacement de la personne. Mais non pas l’effacement au profit des électeurs, tel que défendu par Mavoix, mais l’effacement au profit du bien : cette personne sera-t-elle capable de faire taire son intérêt personnel pour n’écouter et ne suivre que la voix du bien commun ?


PS : repensant à ce que je viens de dire puis d’écrire, à l’échange avec Esther et à des conversations nombreuses avec Katia, je précise ma pensée : ma confiance ne va pas à la personne effacée mais à celle que je sens capable de s’effacer quand il le faut. Et il en va de même dans l’amour : ce n’est pas l’absence d’être, de personnalité, la transparence, qu’on aime mais la capacité de la personne aimée de faire abstraction de tout cela, de son ego, si nécessaire et quand nécessaire. C’est cela, l’abnégation, qui n’est donc pas le gris-muraille que certains croient…

Les grands saints, les grands sages, n’ont jamais été des êtres insipides ou invisibles. Ils étaient capables de le devenir…

PS2 : … Il ne s’agit pas du tout de rouler des mécaniques et de se mettre en avant, l’humilité est une vertu. Mais non la fausse humilité consistant à se nier soi-même et à se cacher.  C’est l’équilibre et la vérité qu’il faut trouver.

PS3 : il y avait en définitive 24 listes, dont deux pour lesquelles il n’y avait pas de bulletin – ce qui explique qu’elles n’aient recueilli aucun suffrage… 0,22 % des voix se sont portées sur le candidat que j’avais décrit comme haineux.  

Aldor Écrit par :

10 Comments

  1. 10 juin 2017
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    Je pense que les deux approches, celles de mavoix et celle que vous défendez sont nourries par la même idée : l’effacement de l’ego. En ce qui me concerne, je comprends la collectivisation portée par mavoix comme une forme de garde-fou : faire taire son intérêt personnel de son propre fait et de sa seule initiative est un enjeu de taille… et l’ego, une tentation « Faustienne ». Il me semble, au regard de notre passé politique ancien comme récent, qu’on garantirait mieux la résistance à la tentation en politique à plusieurs ^^

    • 10 juin 2017
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      Bonjour, Esther.

      C’est bien ainsi que je comprends leur démarche et c’est pourquoi je la trouve sympathique même si je ne pense pas la suivre. Nous payons des dizaines d’années de désillusions…

      Quant à l’effacement de l’ego, c’est effectivement de cela précisément qu’il sagit.

      Le mandat impératif comme garde-fou contre les retours de flamme de l’ego ? Je n’y avais pas pensé mais peut-être…

      Encore une fois, je comprends la démarche. Mais je n’y adhère pas…

  2. 10 juin 2017
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    Belle leçon civique que j’apprécie énormément. Amitié.

    • 10 juin 2017
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      Merci, Charef.

  3. Ce que je n’arrive pas à faire: être sûre que cette personne-là, qui est forcément en campagne et donc en représentation, saura justement s’effacer au profit du bien, du bon sens, de l’intérêt public. Comment savoir? Voter me semble un pari dont les enjeux sont aussi lourds que le bien fondé de notre choix est incertain.

    • 10 juin 2017
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      Ah oui, Clémentine…il y a du pari là dedans, comme chaque fois qu’il s’agit de confiance…

      • Mais pour d’autres paris, j’ai l’impression d’avoir davantage d’éléments pour faire, ou non, confiance…

        • 10 juin 2017
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          … Je comprends. Tant mieux pour vous. J’ai quant à moi parfois des abîmes qui s’ouvrent sous mes pieds…

  4. 13 juin 2017
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    Les initiatives citoyennes se multiplient, et c’est heureux. il y a un sursaut dans la population…les petits ruisseaux feront les grandes rivières, un jour ou l’autre.
    ¸¸.•*¨*• ☆

  5. 29 juin 2017
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    J’arrive bien tardivement dans ce débat, mais ce post me trotte dans la tête depuis que je l’ai lu il y a quelques semaines, je vais donc y mettre mon grain de sel 😉

    Je ne crois pas qu’il s’agisse de trouver quel candidat capable de choisir le bien commun, mais plutôt de trouver quelqu’un dont les stratégies pour y arriver nous conviennent. Je donne un exemple : tout le monde veut diminuer les inégalités et augmenter la richesse. C’est le bien commun. Par contre, pour y arriver, certains proposent le revenu minimum garanti, d’autres, une réduction des impôts ou des investissements massifs en formation, etc.

    Je sais où est le bien commun là-dedans selon moi, mais cela révèle surtout mes valeurs je crois et non pas où est *vraiment* le bien. C’était mon grain de sel 😉 Belle journée!

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