Grands hommes morts et petites fleurs vivantes

 

 

Allant, ce matin, faire quelques courses, je suis passé à côté du Panthéon et ai aperçu, entre les dalles blanches et les grilles noires, des petites fleurs qui poussaient. Certaines d’entre elles étaient violettes, d’autres jaunes, et elles surgissaient, toutes mignonnes, de ce bâtiment solennel voué aux grands hommes.

Sous le grand ciel bleu qu’il faisait alors, bercé par la légèreté de l’air, je me suis senti une âme d’animiste et me suis dit que, sans aucun doute et sans aucun remord, aux grands hommes morts je préférais les petites fleurs vivantes.

J’ai du mal à comprendre ces cultes et ces religions qui, à la vie, préfèrent les choses mortes. Et j’ai du mal à comprendre la pensée de Saint-Augustin qui veut absolument qu’on choisisse entre la création et les créatures, qu’on vide le vase de son esprit de l’amour des êtres pour le remplir de celui de Dieu, comme si le premier empêchait le second.

Mon professeur de philosophie de khâgne, Dominique Folscheid, nous avait appris que, pour savoir ce qu’était une chaise et ce qu’était un tableau, il n’était nul besoin d’examiner 10 000 chaises non plus que d’examiner tous les tableaux du monde. Il suffisait de se pencher avec attention et amour sur un. Et qui savait regarder avec attention la chaise de Van Gogh, savait tout ce qu’il y a à savoir sur les chaises et sur l’art.

Il en va de même, à mes yeux, pour la création : mes fleurs de ce matin portaient le monde en elles. Les aimer n’est pas ne pas aimer le reste ; les aimer, c’est aimer le reste. Et il en va de la même manière des êtres que j’aime, de la femme que j’aime, des oeuvres que j’aime :  en elles et en eux, j’aime le tout et c’est à travers elles et eux que j’aime le tout.


PS : Cherchant son nom sur Internet, je retrouve mon cher professeur intervenant, au Collège des Bernardins, sur Corps et âme. Ce doit être intéressant. Je regarderai plus tard…

 

Aldor Écrit par :

8 Comments

    • 19 juin 2017
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      Merci, Glomérule.

    • 19 juin 2017
      Reply

      Oui, Catherine, je suis bien d’accord.

  1. 18 juin 2017
    Reply

    moi aussi je regarderai la vidéo de ton prof car le début m’a plu 😉
    merci pour les petites fleurs si vivantes et que j’adore voir pousser de façon tout à fait improbable dans la pierre………….

    • 19 juin 2017
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      Bonsoir, Maly.
      Le début était effectivement plaisant et j’ai regardé toute l’intervention, sans tout comprendre, il s’en faut ! Sauf que, avec les grands monothéismes, apparaît la cassure entre création et créateur, l’unité des créatures avec le créateur disparaissant du même coup.

      Sinon, c’est amusant de le voir, pas si vieux d’ailleurs, tant de temps après. Il devait être un tout jeune agrégé quand il était mon professeur.

      • 19 juin 2017
        Reply

        oui pour l’âge, c’est ce que j’ai pensé aussi 😉

  2. 3 juillet 2017
    Reply

    “j’ai du mal à comprendre la pensée de Saint-Augustin qui veut absolument qu’on choisisse entre la création et les créatures, qu’on vide le vase de son esprit de l’amour des êtres pour le remplir de celui de Dieu, comme si le premier empêchait le second.”
    Je ne connais pas la pensée de Saint Augustin, que mon fils m’a pourtant téléchargée sur ma tablette…. Mais je me demandais si on ne peut pas considérer que l’on ne peut aimer le monde que si l’on s’emplit d’abord de l’esprit d’amour divin, donc universel. Personnellement, même avec la meilleure des bonnes volontés (et un cœur tendre) je me sens incapable humainement d’aimer l’humanité toute entière.

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