Comprendre

 

 

Lorsque j’ai commencé à travailler dans l’entreprise où je travaille, j’ai passé de longs mois à m’étonner de la façon dont les choses se passaient et à considérer que nombre de décisions et de façons de faire étaient totalement incohérentes. Et même si j’y mettais les formes, j’avais tendance à considérer que les salariés de cette entreprise travaillaient mal et que les chaînes de décision dysfonctionnaient.

Il a fallu du temps, que j’entre un peu dans les dossiers, que je me coltine la réalité, pour me rendre compte que le plus souvent, en fait, mes collègues faisaient ce qu’ils pouvaient compte tenu des contraintes qui s’imposaient à eux et dont ils n’étaient pas les maîtres. Et ce qui m’apparaissait, du dehors, comme une aberration, était le plus souvent la réponse la plus adéquate qui puisse, à cet instant, être donnée au problème posé. Mais il fallait, pour le comprendre, franchir un pas dans l’analyse et refuser de se cantonner au simple et simpliste : “Ce sont des imbéciles”.

Il en va de même de la façon dont nous appréhendons le comportement des personnes qui nous entourent : tant que, face à un comportement que nous ne comprenons pas, nous ne savons que mettre en cause l’honnêteté, le courage ou l’intelligence de la personne, nous ne faisons que refuser la réalité, ce qui nous interdit radicalement de la comprendre. C’est de sa faute – et cette façon de raisonner clôt le débat.

Il faut, si l’on veut avoir une chance de comprendre quelqu’un, lui accorder ce minimum de confiance consistant à croire qu’il a fait au mieux. Non pas au plus mal, non pas au plus vite, non pas au moins fatiguant ou au plus lâche, mais au mieux. Et faisant au mieux, il a échoué. On peut, alors, essayer de comprendre, si on le souhaite, en examinant plus avant, si c’est possible et quand c’est possible.

Mais tant que cet effort n’est pas fait, tant que ce minimum de sympathie et de confiance n’est pas accordé à l’autre, tant qu’on se contente d’expliquer le monde par l’aberration du comportement de quelqu’un, on explique pas le monde, on le refuse.

Et on s’interdit ainsi de le changer.

Aldor Écrit par :

9 Comments

  1. 9 juillet 2017
    Reply

    Je trouve votre réflexion très pertinente. Au début de ma mission d’inspection je faisais des scénarios pour juger ceux qui étaient en face de moi fort des textes de loi que j’utilisais pour les piéger.J’ai ensuite compris que j’étais dans la mauvaise voie. J’ai essayé de comprendre le pourquoi des choses et des contraintes qui empêchaient la réalisation des programmes. A partir de là j’ai transformé mes inspections en audit ou j’aidais par mes conseils tirés de la réalité du terrain à améliorer les performances de chacun.

    • 18 juillet 2017
      Reply

      Merci, Charef. C’est bien ça : mais qu’il faut du temps et des efforts pour renoncer à piéger et pour comprendre que la n’est pas le but…

  2. C’est tellement vrai, et valable dans toutes circonstances. Merci pour l’ avoir énoncé si clairement.

  3. 9 juillet 2017
    Reply

    Tellement. C’est pour cela que j’étais choquée par ceux qui traitaient d’imbéciles les électeurs de Trump, même si je n’aime pas ce politicien. Ces électeurs ont leurs raisons, qui font probablement sens pour eux.

    • 10 juillet 2017
      Reply

      L’une des amie de ma fille fait partie de ces électeurs… Logeant dans un campus plutôt “Sanders”, elle a eu droit à de nombreuses réflexions désobligeantes et même une certaine mise en quarantaine. Ma fille a trouvé cela navrant, moi aussi.

  4. 22 août 2017
    Reply

    J’ajouterai bien un commentaire mais j’ai peur de ne pas être comprise !

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.