Palimpseste

 

 

J’ai, ce matin, pris une vieille toile et l’ai recouverte de blanc. Et tandis que je faisais cela, appréciant le velouté de la peinture qui s’écrasait sous le couteau, je pensais aux palimpsestes du Moyen-Âge et à ces moines qui grattaient leurs parchemins pour y inscrire de nouveaux livres.

J’aime le mot Palimpseste. J’aime le mot lui-même et l’idée qu’il contient, dont j’ai conscience qu’elle n’est peut-être pas celle qu’y voyaient les moines copistes du Moyen-Âge. Encore que. S’ils avaient vraiment voulu que le vieux disparaisse sous le neuf, peut-être y seraient-ils arrivés. S’ils ne l’ont pas fait, c’est probablement que l’idée de le laisser apparaître leur convenait.

Ce que j’aime dans le palimpseste, c’est le fait qu’il recouvre ce qui fut mais sans toutefois le nier entièrement puisqu’il transparaît, ça et là, au travers des nouveaux écrits, au travers de la nouvelle oeuvre. Du passé, on fait table pas entièrement rase, acceptant plutôt de bâtir au dessus, d’employer ce qui fut déjà construit, sans le détruire mais en le détournant, ou plutôt en lui donnant un autre sens, en l’enrichissant, en l’accomplissant d’une certaine manière, comme dans cette église de Syracuse bâtie autour, au-dessus et avec les restes d’un temple païen, dont on voit ça et là jaillir les colonnes splendides. Où comme dans ces menhirs, qu’on croise parfois en Bretagne, sur lesquels des croix ont été gravées ou sculptées, réinterprétant les cultes ancestraux et leur donnant une nouvelle existence.

Ce que j’aime, dans le palimpseste, c’est qu’il sait et respecte l’épaisseur des choses. Qu’il enrichit au lieu de simplifier.


PS: je m’aperçois, en m’écoutant, du ton compassé qui est le mien. De fait, un des buts de l’exercice qu’est aussi ce podcast est de m’obliger à ralentir mon débit. En temps ordinaire, on ne me comprend pas car trop de mots essaient de sortir en même temps de ma bouche, et mon enfance à été bercée par les recommandations de mon père me demandant de parler plus lentement.

Je m’y essaie mais passe probablement d’un excès à l’autre…

Aldor Écrit par :

8 Comments

  1. 30 juillet 2017
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    Oui, comme le présent vient enrichir le passé. J’aime bien l’ idée 🙂

    • 30 juillet 2017
      Reply

      Oui, Glomérule. Non qu’il faille forcément s’en inspirer, comme je le dis à tort dans mon enregistrement. Mais parce qu’il faut faire avec.

  2. 31 juillet 2017
    Reply

    Super cette idée
    Très bon lundi et passe une belle semaine
    Bisous

  3. 1 août 2017
    Reply

    Ce que j’aime, c’est t’écouter, et te lire en même temps. C’est vraiment intéressant de voir le cheminement de ta pensée en filigrane.
    ¸¸.•*¨*• ☆

  4. Très beau texte qui me rappelle ces mots de Francis Ponge (« Le Parti pris des choses ») :

    « Je propose à chacun l’ouverture de trappes intérieures, un voyage dans l’épaisseur des choses, une invasion de qualités, une révolution ou une subversion comparable à celle qu’opère la charrue ou la pelle, lorsque, tout à coup et pour la première fois, sont mises au jour des millions de parcelles, de paillettes, de racines, de vers et de petites bêtes jusqu’alors enfouies. Ô ressources infinies de l’épaisseur des choses, rendues par les ressources infinies de l’épaisseur sémantique des mots ! ».

    Très bonne idée cet enregistrement sonore ! La diction est parfaite (même si je ne suis pas certaine d’avoir compris le second mot que vous aimez bien : cascatelle ? C’est bien cela ?). J’aime bien ces temps de silence (si j’ai bien compris, vous parlez à toute vitesse d’habitude ?!).

    • 2 août 2017
      Reply

      Oh! Merci pour Ponge. Il y a un peu de ça : mettre à jour les ressources enfouies…

      J’ai évidemment l’esprit d’escalier mais “épaisseur sans consistance”, qui ne va pas très bien à ce que vous écrivez, désigne encore une autre chose : il y a la profondeur, il y a l’épaisseur de Ponge et puis il y a l’épaisseur simple, qui est une sorte de grossièreté.

      Cascatelle, oui, est un mot que j’aime.

      Et oui, quand je parle, on me demande souvent de répéter : trop de mots trop vite – ce qui ne signifie pas qu’ils soient intéressants…

      • Eh bien, vous avez enrichi mon vocabulaire, Aldor ! Cascatelle est en effet un très joli mot.

        Soyez sans crainte, l’esprit d’escalier, je le connais trop bien !

        Encore merci pour ce texte profondément réussi.

  5. 4 août 2017
    Reply

    Gratter le vélin,
    Attendre, et laisser sourdre,
    Repentir de l’encre.

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