Que la guerre est jolie !

 

 

Une blogueuse signalait l’autre jour l’exposition Visa pour l’image, qui se tient actuellement à Perpignan, et qui présente le travail de photographes de guerre, notamment en Irak.

On ne peut qu’être frappé par la beauté de certaines de ces images : la fumée bleue s’élevant dans le ciel, les visages noircis par la poussière et la fatigue, les vêtements colorés se détachant sur le gris du désert.

C’est une nouvelle illustration de cette ambivalence fondamentale des choses et du monde. Des choses, du monde et de nous-mêmes, car c’est en nous que passe la ligne qui sépare et réunit tout à la fois l’attirance et le dégoût.

Je me souviens de ces églises espagnoles, de cette cathédrale de Ségovie qui m’avait tant frappée par l’abondance des statues et des peintures représentant le Christ sanguinolant et ses blessures cliniquement détaillées. Je pense à ces pages, nombreuses et répétées, où Simone Weil décrit la douleur de l’homme touché par le malheur et qui se tord, sur la route, comme le ferait un papillon dont l’abdomen aurait été percé.  Quelle fascination nous avons pour la souffrance et la douleur !

Tel est le thème de  cette improvisation.

Aldor Écrit par :

12 Comments

  1. 15 septembre 2017
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    L’esthétisme du glauque : le sujet de prédilection des personnes qui n’ont rien à dire ! Belle semaine !

    • 15 septembre 2017
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      Oui, mais pas seulement. Pas seulement ça, je crois.

      • 15 septembre 2017
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        Oui bien sur il y a le noir noir et toutes les nuances de gris lol !

  2. 15 septembre 2017
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    Il est pour moi triste en effet que la nature de l’homme est besoin de contempler la souffrance pour, peut-être, se sentir supérieur et oublier ainsi qu’il est mortel lui aussi…

    • 15 septembre 2017
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      Je pense que c’est plus difficile que ça. Plus tortueux. Je ne sais pas quoi, mais il y a une contradiction intime.

  3. 15 septembre 2017
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    C’est peut-être le plus difficile à comprendre et à rendre cet écartèlement du monde entre le pire et le meilleur, le sens et le non-sens, la splendeur et la misère. Ils coexistent à chaque instant et ne s’excluent pas les uns les autres, je suis d’accord. Cependant, dans le cas de ces photographies (de la plupart d’entre elles), c’est différent : leur esthétisation de la détresse est extrêmement gênante. Ce n’est pas représenter la beauté des gens dans le malheur, (et donc leur rendre hommage et dignité), c’est utiliser leur malheur pour en faire de la belle photographie. Du moins je le ressens ainsi.

    • 15 septembre 2017
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      Tu as raison, Joséphine. Il y a une démarche de chosification et d’instrumentalisation du malheur qui dérange.

      Mais la différence est ténue (ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas !) entre cette instrumentalisation et la mise en dignité. L’art occidental (pas le grec, ni le romain, dira Frog), repose sur cette esthétisatisation de la souffrance, de la passion, de la Pieta. Et tous les arts aiment à représenter les démons et les créatures infernales…

      Il y a vraiment au fond, et bien avant la photographie, une fascination trouble en nous. La tragédie repose sur ça. Sur l’idée d’une vertu cathartique du malheur…

      • 15 septembre 2017
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        Oui, je suis d’accord. Je n’attribue pas cette esthétisation gênante à la seule photographie – peut-être qu’elle est plus choquante dans son cas, comme si, le réel s’y présentant sans fard, le fard qu’on y ajoute se percevait davantage.

        L’exemple du Christ en croix me semble plus juste, même si le Christianisme est un cas particulier, il donne une place toute nouvelle à la souffrance, et qu’on a peut-être du mal à concevoir aujourd’hui : elle sauve, purifie, annoblit etc. Son spectacle a donc une fonction morale.

        N’y a-t-il pas aussi une dimension cathartique à la représentation de la douleur, en dehors de la fascination trouble ? Comme Monet faisant l’esquisse de sa femme morte, à son chevet… En tout cas, c’est un sujet très intéressant, Didi-Huberman l’aborde souvent, il avait conseillé un ouvrage remarquable en séminaire, mais voilà je ne m’en souviens pas… 🙁

  4. 15 septembre 2017
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    Je ne trouve pas cela choquant du tout.D’abord il faut prendre en compte la confrontation du reporteur et du photographe à cette dure réalité qu’ils doivent rapporter dans toute son horreur. Mais l’artiste qui est l’intermédiaire entre l’horreur et le public n’est pas d’accord avec ce qu’il voit. Inconsciemment il positive l’image pour occulter la dure réalité qui s’offre à lui dans sa brutalité. C’est un homme qui a mal et qui réagit par le seul outil dont il dispose, l’esthétique, pour proposer une lecture plus humaine des scènes qu’il reproduit . A savoir que lui même est souvent victime de la folie des homme.Beaucoup de reporter perdent leur vie parce qu’ils sont à proximité du conflit.

    • 16 septembre 2017
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      Bonjour, Charef.

      Peut-être ai-je dit “choquant mais c’est “troublant que je voulais dire. Ce n’est pas spécialement le travail du photographe dont je parlais mais des réactions que nous avions vis-à-vis de ce travail. Le photographe ne fait que traduire ce que nous avons en nous.

  5. 17 septembre 2017
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    Les contradictions sont notre base, notre fonds d’être. La fascination pour le terrible, le sanguinolent est transcendée par les artistes, mais aussi, malheureusement, exploitée par la cupidité des fabricants d’histoires glauques: il n’est que de voir le succès des thriller, polars et autres films horribles. Et les « bouchons de curiosité » sur les autoroutes.
    Le mal et le bien se disputent en nous, tout le temps, l’ombre et la lumière, le glorieux et le honteux. L’accepter est sans doute la démarche la plus difficile que nous ayons à faire en tant qu’adultes accomplis.
    Comme dit le sage, nous avons toutes les graines en nous. Après c’est à nous de choisir lesquelles nous allons soigner, cultiver, arroser…
    ¸¸.•*¨*• ☆

    • 17 septembre 2017
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      Oui, Célestine, oui. C’est une longue démarche ou l’on trébuche mais où il ne faut pas se décourager.

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