Le caillou dans la chaussure, le lion, le rat et la liberté


 

Je marchais hier matin dans la rue quand j’ai senti un caillou dans ma chaussure. Et, comme à chaque fois que cela m’arrive, j’ai, sentant cela, pensé à deux choses : au scandale, parce que je crois que le scandale est justement cela : un caillou dans la chaussure qui fait mal et gêne la marche ; et également à cette histoire d’Esope, reprise par La Fontaine : le rat et le lion, que j’ai relue ce matin, et qui raconte l’histoire d’un rat trottinant par mégarde sur le dos d’un lion, et que celui-ci attrape. Le rat demande au lion de pas le manger et lui explique que, s’il ne le mange pas, il saura l’en remercier.

Le lion trouve le rat bien prétentieux mais, magnanime, accepte de libérer le rat. Et bien lui en prend car, quelques jours plus tard, pris dans des rets tendus par des chasseurs, il ne peut s’en libérer que grâce à l’intervention du rat, passé par là, qui de ses petites dents, ronge les mailles du filet.

Je ne me souvenais pas, hier matin, de la fin de l’histoire, mais seulement de cette image, dans mon livre d’enfant, du lion, apparemment gentil, tenant le rat dans sa grosse patte griffue et écoutant sa prière. Je ne savais plus, précisément, si le lion, au bout du compte, libérait le rat ou si, lion, il le mangeait parce que, aussi gentil soit-il, un lion reste un lion.

C’était plutôt vers le second terme de l’alternative que je penchais, ce qui m’entraînait à poursuivre la conversation que j’avais eue, par blog interposé, avec Célestine, à propos de la liberté et de l’égalité. Je me disais que, si même le lion avait finalement mangé le rat, aurait-on pu le lui reprocher ? Après tout, si la liberté est quelque chose, ce n’est pas, sans doute, le droit de faire tout ce qu’on veut, mais c’est fondamentalement, le droit d’être ce qu’on est, de vivre ce qu’on est. Or la nature du lion est d’être lion et de vivre comme un lion. Et donc la liberté du lion n’est pas la même que celle du rat. Et c’est en cela que traiter de la même façon, égalitairement, un rat et un lion, n’est pas respectueux de la nature de chacun.

Les deux termes ne peuvent se concilier que par l’intervention d’un troisième qui, en politique, s’appelle fraternité et sinon, amour.

Tel est l’objet de cet enregistrement matinal et sabbatique (ou peut-être saturnien ? – à moins que ce ne soit ni l’un ni l’autre).

Aldor Écrit par :

8 Comments

  1. Tout à fait d’accord, et l’on devrait se rappeler de ces différences complémentaires et essentielles à tous ceux dont les idées créent l’intolérance, le racisme, le non-pardon et j’en passe 🙂 bon week end 🙂

    • 14 novembre 2017
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      Oui. Il faut s’en rappeler. Se rappeler des deux à la fois et les ménager l’un et l’autre – ce qui n’est pas toujours aussi trivial…

  2. 11 novembre 2017
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    Bonsoir Aldor. Ton article éveille en moi des souvenirs de ma vie professionnelle. Souvent les grands responsables choisissent dans leur entourage des personnes qui ont enfreint à la réglementation et la gestions par leur malversations. Ils restent redevables à leur bienfaiteurs qui détiennent des dossiers sur chacun d’eux pour leur docilité et leur dévouements. Ceux sont des fusibles qui sautent pour préserver le chef. il n’y a qu’à prendre l’exemple des purges parmi les fonctionnaires qui occupent des fonctions supérieures au Maroc et en Arabie Saoudite ces derniers temps pour ne citer que ceux là au nom de la lutte contre la corruption ou de mauvaises gestion des régions, dénoncés par une population révoltée. Sauvés au départ par leurs maîtres ils sont sacrifiés pour la bonne cause.
    Bon dimanche.

    • 13 novembre 2017
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      Bonsoir, Charef. Tu as probablement tout à fait raison et ce que tu racontes est bien triste.

      Je n’ai pas bien compris le rapport avec le papier mais ça n’a aucune importance.

      Bonne soirée.

      • 13 novembre 2017
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        C’est ce Roi Lion qui ménage sa proie pour la mettre à son service après qui m’a inspirée ce commentaire. Mais comme tu le dit si bien chasser le naturel revient au galop le lion mangera sa proie c’est dans la logique des choses. C’est vrais que parfois j’extrapole à la lecture des articles que je lis. difficile de maîtriser ses émotions quand l’occasion se présente; Bonne soirée Aldor.

  3. 12 novembre 2017
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    Merci pour ce rappel du débat, que je suis allé compléter ce matin, à ta lecture.
    L’être humain n’est pas un animal comme les autres, en ce sens que la morale l’oblige à contraindre sa nature.
    Sinon, nous tuerions nos voisins ou notre belle-mère à la première occasion 😉
    ¸¸.•*¨*• ☆

  4. 14 novembre 2017
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    Oui, contraindre sa nature, ses pulsions, pour gagner en lien social, en amour, c’est le propre de l’homme. J’imagine aussi que les pulsions contenues, si elles ne sont pas niées, étouffées, mais transcendées, sublimées, peuvent être une voie d’accès à une façon plus grande, plus belle, de vivre en accord avec notre nature, qui est complexe. Il me semble que tu as raison: sans amour ni empathie, pas d’élévation.

    • 15 novembre 2017
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      Transcender. C’est de cette sorte de métamorphose qu’il s’agit, Clémentine, oui. Une alchimie.

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