Flocons et visages : distinguer et reconnaître


 

Depuis quelques jours, la neige tombe sur Hauteluce. Elle embellit tout, arrondit et féminise les formes (Il faudra que je reparle de cette féminisation, de cette douceur qui fait la beauté des paysages enneigés !), et donne l’occasion, lorsqu’elle se pose sur des surfaces sombres, d’admirer la beauté et la diversité des flocons.

Cette diversité est extraordinaire. Et est extraordinaire aussi le fait qu’on sache la percevoir. Encore les flocons ont-ils des formes géométriques qui, même si elles sont complexes (et c’est la leur beauté), utilisent des éléments de base simples. C’est sans doute pour ça qu’on peut les reconnaître.

Mais pensons aux visages. Quoi de plus extraordinaire que la capacité que nous montrons, dès la prime enfance, à distinguer les visages et, plus encore, à les reconnaître ? A ne considérer que les grandes masses, à s’arrêter aux 95 ou au 99 premiers pour-cents, il n’y a pourtant tien de plus semblable à un visage qu’un autre visage : ce sont toujours deux yeux, un nez, une bouche, et la différence n’apparaît qu’en allant beaucoup plus profondément dans les détails, et d’une façon qu’il est parfois très difficile de dire : la courbure d’un sourcil, le pincement d’une lèvre, l’angle d’un nez, la forme d’une oreille… toutes ces choses qui relèvent presque du domaine de l’indéfinissable – et qui sont évidemment les plus radicalement fondamentales. Et nous savons, du premier coup d’œil, voir cela,

C’est notre cerveau qui sait cela, nos neurones, nos réseaux neuronaux comme l’on dit lorsqu’il est question d’intelligence artificielle, qui ont appris, très vite, à percevoir ces toutes petites différences qui nous permettent de distinguer au milieu de la foule la plus compacte, les visages et voix de nos parents, de nos enfants, de nos amis, des êtres que l’on aime. De les distinguer alors que c’est de si peu qu’ils se distinguent des autres !

Nous ne savons pas, en revanche (je ne sais pas, du moins), distinguer réellement deux animaux non domestiques entre eux, nous plus que nous ne savons faire réellement la différence et encore moins reconnaître deux arbres, dès lors que nous ne les voyons plus en situation et implantés dans leur lieu : la forme de leurs branches et de leur tronc a beau différer complètement de l’un à l’autre, nous sommes incapables de les reconnaître.

Je suis stupéfait par ce double mouvement : l’infinie diversité des êtres et leur ressemblance profonde, pourtant, qui fait que l’accès à la distinction et à la reconnaissance requiert quelque chose qui relève soit de l’instinct ou de la prime éducation (réseaux neuronaux), soit de la science et de l’étude.

Et maintenant, je pars au village acheter des croissants et des pains au chocolat pour les filles, les enfants, Katia et moi.

 

Aldor Écrit par :

5 Comments

  1. 28 février 2018
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    De deux petits riens, deux petits pains, et un Charlie Chaplin, faire pousser des pointes, de petits pieds. Et regarder. Entrer dans la danse.

  2. 28 février 2018
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    et comment différencier deux pains au chocolat… avant de les avoir mangé ?
    je profite de cette innocente plaisanterie pour dire que j’aime beaucoup ces billets toujours sensibles et réfléchis !

    • 28 février 2018
      Reply

      Innocente la plaisanterie? Ca dépend… si on se place du point de vue des pains au chocolat…

  3. 28 février 2018
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    une improvisation qui me parle beaucoup…..merci tout plein pour ce moment de d’écoute attentive que je viens de m’offrir grâce à toi, bernard
    j’espère que le petit déj’ a été une fête 🙂

  4. 2 mars 2018
    Reply

    Un billet délicieux… et pas seulement à cause des pains au chocolat…;-)
    ¸¸.•*¨*• ☆

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