“C’est notre ADN”


 

Depuis quelques années, les plaquettes et réunions d’entreprises font grand usage de la méthode consistant à citer le nom d’une grande vertu ou d’une grande qualité et de le faire suivre de la formule : “c’est notre ADN” ou : “c’est dans notre ADN”. On trouve ainsi un peu partout des slogans du genre : “La bienveillance, c’est notre ADN” ;  “La qualité de service, c’est notre ADN” ; “Le respect du client, c’est notre ADN”, et autres fariboles.

Au-delà de la moquerie que peut susciter le simple effet de mode, la répétition paresseuse d’une trouvaille d’agence de communication, ce slogan dit des choses bizarres :

D’abord – et je me fais ici l’écho de conversations répétées avec Katia – quand une chose va de soi et est sans ambiguïté, elle n’a pas forcément besoin d’être dite. C’est tout le problème des “Je t’aime” que je passe mon temps à lui répéter ; c’est le problème aussi de ces ADN autoproclamés de ces entreprises, de ces bienveillances, attachements au client et sens du service mis en tête de l’affiche et dont on peut craindre qu’ils ne soient en définitive que des cache-misère, clamés d’autant plus fort que derrière, il n’y a rien ou si peu de choses qu’il serait mieux de les taire.

Il y a ensuite le fait que, pour une vraie personne comme pour une entreprise, le fait de mettre en avant l’hérédité, le poids génétique, est quelque chose de très ambigu. C’est en effet, d’un certaine façon, prendre de la distance avec soi-même. C’est justifier son action et son comportement  non par un choix délibéré et raisonné mais par une contrainte héréditaire qui s’imposerait à nous, comme malgré nous : je suis bienveillant mais c’est parce que c’est dans mon ADN ; peut-être que si j’étais débarrassé de cet ADN qui me plombe, je serais vraiment comme je veux l’être, au fond de moi, malveillant et méchant.

Enfin, qu’une personne mette en avant son ADN, qu’elle a vraiment, et qui vraiment d’une certaine façon la dirige, passe encore. Mais le rôle historique, social, humain, d’une entreprise (comme d’un Etat , d’une association, et déjà d’une famille) est de dépasser l’hérédité individuelle pour libérer ces structures de l’emprise de l’ADN, pour leur permettre de voir plus loin et mieux, et pour leur permettre d’abord de s’adapter immédiatement au temps qui passe et aux choses qui bougent. Invoquer leur ADN, c’est justement proclamer le contraire et c’est paradoxal.

Aldor Écrit par :

3 Comments

  1. 8 mars 2018
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    “Si j’étais débarrassé de cet ADN qui me plombe, je serais vraiment comme je veux l’être, au fond de moi, malveillant et méchant.” Hahaha

  2. Et subtilement erroné : Ce serait un tort de croire que l’ADN n’est qu’hérité, immuable. Le mien porte une mutation acquise et embarrassante. Alors “c’est dans mon ADN” n’est ni un gage de pérennité ni un gage de qualité ! Merci, Aldor, pour démonter ces raccourcis langagiers et paresseux. Une belle journée à vous.

  3. 10 mars 2018
    Reply

    Comment ça, les je t’aime sont évidents et n’ont pas besoin d’être dits ? 😉
    port nawak, Aldor ! 😉
    ¸¸.•*¨*• ☆

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