Chercher la vérité ou noyer le poisson


 

Rien ne ressemble plus à la vérité que le mensonge et rien ne ressemble plus à l’effort entrepris pour dégager la vérité de sa gangue, la révéler dans toute sa richesse, que l’effort fait pour l’enterrer et noyer le poisson.

La vérité est souvent complexe, souvent difficile, souvent composée de facettes multiples et il est rare qu’on puisse la découvrir d’un mot. Il y faut parfois de longs tâtonnements, de longs discours, forcément maladroits et malhabiles, qui permettent d’approcher, de préciser, d’appréhender progressivement les choses. Il y faut du temps et des circonlocutions, de la peine et suivre parfois des voies sans issue.

Et rien de plus proche que cet effort que celui des menteurs qui, sous prétexte de complexité, ne cherchent en fait qu’à embobiner et faire traîner les choses.

C’est le drame de Socrate que d’avoir une méthode : le dialogue, qui ressemble à bien des égards à celle des sophistes, qui le singent. Et bien des jeunes Athéniens croient faire de la philosophie quand ils n’apprennent qu’à utiliser les mots à mauvais escient, qu’à les employer au rebours de leur vertu.

Il est terrible, quand on est dans l’effort qui vise à comprendre, de sentir que la personne en face de nous croit que nous cherchons simplement à délayer les choses. Terrible d’être pris pour un fossoyeur de la vérité quand on ne fait que peiner à la trouver.

Il faut dire que la vérité parfois jaillit comme naturellement. Il existe des moments de grâce qui font qu’on sait, d’emblée, trouver le bon angle, la bonne perspective.  La magie de l’intuition a fait son oeuvre qui permet de tout dire en un mot, en une phrase.

Mais à cette exception près, qui est rare, il faut du temps et de la peine. C’est pourquoi les religions révélées ne se révèlent, dans leur entièreté, qu’au long de centaines de pages quand les idoles s’appréhendent et se dévoilent d’un coup d’oeil ou d’un mot qui suffit à dépeindre leur réalité univoque.

Mais la vraie réalité n’est pas univoque. Il faut du temps et des efforts pour l’atteindre – et encore n’est-on jamais certain d’y atteindre. L’important est dans l’effort, constamment renouvelé, entrepris pour ce faire, auquel rien ne ressemble plus que l’effort fait pour la noyer. Rien de plus ressemblant à l’expert que le faussaire ; au philosophe que le sophiste ; à l’honnête homme que le tartuffe.


La musique d’introduction et de conclusion est un court extrait de Φιλα με (Fila Me), de βασιλης Δημητριου (Vassilis Dimitriou), tirée du bel album Ο Μεγάλος Θυμος (O Megalos Thimos).

Aldor Écrit par :

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