Parabole : désigner l’obscurité


 

Notre premier réflexe, lorsque une question nous est posée ou un problème exposé, est d’essayer d’y répondre avec nos connaissances. Or, nos connaissances ne permettent ordinairement pas de répondre précisément à cette question ou à ce problème. Nos connaissances, en effet, se fondent sur une expérience ou un savoir acquis à une autre occasion, qui ne correspond pas exactement à la situation d’aujourd’hui. Aussi ces connaissances réutilisées apportent-elles souvent une réponse mauvaise, à tout le moins déplacée. C’est le problème de l’analogie historique qui trompe aussi souvent qu’elle aide.

De ce risque d’être mal compris, nous avons une conscience aiguë quand nous parlons : notre interlocuteur a-t-il vraiment saisi la singularité de notre question ou de notre interrogation ? N’est-il pas en train de plaquer sur nos mots des connaissances déjà ressassées, des réflexions déjà construites ? A-t-il vraiment saisi ce que nous voulions dire ? Est-ce bien à nos mots, pris en eux-mêmes, qu’il répond ? Nous craignons qu’il n’en soit rien et que notre interlocuteur ne se contente du plus simple : n’entendre, dans notre question, qu’une question déjà posée, et répéter pour y répondre une réponse élaborée à d’autres fins. C’est une grande preuve de confiance ou d’amour envers quelqu’un que de ne pas ressentir auprès de lui cette crainte d’être mal entendu, que d’être sûr, sans avoir besoin d’y insister, que ce que nous disons sera, mot après mot, phrase après phrase, écouté avec attention et non traité à la légère. Les mots de celle que j’aime, les mots de ceux que j’aime sont purs, singuliers et pesés un à un. Je les écoute de toutes mes oreilles.

La parabole est une autre façon de s’affranchir de cette difficulté. Parce qu’elle s’affiche comme une énigme, elle oblige celui qui l’entend à faire le vide en lui pour la comprendre, à tout reprendre pour comprendre. La parabole annonce, par son simple énoncé, qu’il ne s’agira pas ici de recycler du déjà su et du déjà pensé, mais de reconcevoir et de réinventer, d’accueillir la singularité.

En désignant l’obscurité, la parabole nous invite à l’éclairer d’un regard neuf.


 

En introduction et conclusion musicales à mon propos, Chimaerica, de Johann Johannsson, tiré de son disque “Fordlandia“. Parce que la musique, elle aussi, comme la poésie ou le chant des baleines cher à l’aimée, sème le doute et ouvre sur le vide.


PS : A la relecture du soir, je me rends compte que je suis plus positif qu’il ne faudrait. Car on peut également mal utiliser les paraboles : les utiliser pour ne pas répondre précisément à une question précise ou les utiliser mécaniquement comme on répète une pensée incomprise en voulant néanmoins donner le change.

Aldor Écrit par :

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