Demander pardon


Nous commettons tous des fautes et tous agissons parfois mal : répondre trop vivement à un mot, se mettre en colère, mal interpréter un propos en plaquant sur la parole de l’autre des idées qu’on avait nous-mêmes, mentir positivement, mentir par omission, cacher des choses, ignorer volontairement, ne pas être véridique…  la liste est longue, inégale et hétéroclite, de ces actions peu présentables. Sans doute certaines sont-elles plus graves que d’autres mais Katia a probablement raison de dire que rien n’est secondaire dans le comportement, et que tout, pour partie au moins, se tient.


Dans beaucoup de cas (pas tous, malheureusement, il est des fautes qui demeureront à jamais irréparées et qui nous hanteront), on peut, après coup, présenter des excuses ou demander pardon. Mais étrangement, on ne le fait pas toujours. On pourrait mais on ne le fait pas, pour diverses raisons, qui sont probablement toutes mauvaises :

  • Parfois (c’est le pire des cas mais pas le moins courant), on ne demande pas pardon parce qu’on n’a tout simplement pas le sentiment, pas conscience, de devoir le demander. On a mal agi mais on ne ne se l’avoue pas, on ne l’accepte pas – et on s’enfonce dans le déni : bien sûr on a caché quelque chose mais est-on censé tout dire ? Bien sûr on s’est emporté à tort mais si ce propos précis ne le méritait pas, d’autres le méritaient : “si ce n’est toi, c’est donc ton frère” comme dit le loup de la fable. Bien sûr, on a mal fait, mais qui n’a jamais commis d’erreur ? : “Suis-je donc le gardien de mon frère ?” demande ainsi Caïn.

  • On peut aussi (est-ce mieux ?) accepter sa faute mais ne pas vouloir, cependant, s’excuser. Et ici aussi, les mauvaises raisons qu’on sort de sa besace sont légion : l’important est de ne pas le refaire, et non de rouvrir la plaie ; il faut regarder vers l’avenir, et non ressasser le passé ; je n’ai pas renchéri ; pourquoi faudrait-il en plus demander pardon ?

Les sirènes de ce deuxième type d’argumentation sont douces à entendre.  Elles nous confortent et nous rassurent. Mais elles sont évidemment une ruse doucereuse de l’ego : on sait qu’on a mal agi ; on pourrait le reconnaître mais on ne le fait pas et on bâtit pour nous justifier une fable dormitive qui ne vise qu’à cacher le seul véritable motif de notre comportement : le refus obstiné de l’ego de se plier à l’aveu de sa faute.

L’ego n’aime pas l’humilité,  il la déteste, s’agissant de lui-même. S’il se dissout dans l’amour, qui est comme son anticorps, il tend, partout ailleurs, à se renforcer, et c’est quand il est au pied du mur, pris dans la nasse, que cela se voit à sa façon de se débattre : on peut donc bien avancer en apparence sur le chemin du détachement, citer en toute honnêteté Bouddha ou Lao-Tseu, et cependant voir son ego protester obstinément, se tordre et regimber – tel un vampire devant un crucifix – à l’idée de reconnaître qu’on a mal agi et qu’il faudrait demander pardon. C’est que, pour l’ego, l’humilité – quand c’est soi qu’elle concerne – est humiliante, comme est insupportable l’idée de recevoir des conseils, insupportable la critique serait-elle bienveillante.

Essayons donc, en cette veille de Noël, de progresser sur ce terrain où rien n’est secondaire, comme dit l’aimée, et de tordre le cou à cet ego bouffi qui se rebiffe comme le cave quand il s’agit de s’excuser ou de reconnaître ses erreurs ! C’est certainement une bonne résolution à prendre.

Et si d’autres se reconnaissent ici, qu’ils et elles la suivent !

Joyeux Noël !

Une crèche photographiée rue de Grenelle
Une crèche photographiée rue de Grenelle

Aldor Écrit par :

19 Comments

  1. 24 décembre 2018
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    Un des plus beaux posts, lu sur Noël, ce matin… Merci Aldor.

    • 28 décembre 2018
      Reply

      Merci Laurence.

  2. 24 décembre 2018
    Reply

    très beau souhait pour ce noël et qui me va droit au cœur …. la Vie en est transformée et la paix en serait durable <3
    demander pardon, oui bien sûr! mais surtout s’efforcer de ne pas recommencer ce qui a blessé ou autre sinon le pardon ne serait qu’un mot sans substance…….
    un très beau noël à toi, bernard ainsi qu’à ceux qui te sont chers! bisous!

    • 28 décembre 2018
      Reply

      Tu as raison, Maly. Et Dom fait la même remarque. C’est vrai qu’on peut se contenter de présenter ses excuses, de prendre un air contrit, puis de recommencer de plus belle. Et c’est très insupportable parce que c’est singer la vérité, faire comme si l’on était désolé alors qu’on ne cherche qu’à gagner du temps. J’imagine aussi qu’on peut être honnête mais qu’on y arrive pas: je pense aux addictions.

      Si demander pardon ou présenter ses excuses a de la valeur, c’est évidemment parce qu’on est sincèrement désolé et que sincèrement on veut changer.

      C’est vrai, inversement, qu’on peut véritablement décider de changer de conduite, de ne pas refaire ce qu’on a mal fait, sans formellement l’annoncer. Mais je crois que le dire est mieux – même si j’ai du mal expliquer pourquoi. Il me semble qu’on nettoie et qu’on coupe court ainsi à toutes les sortes de ressentiment.

      • 29 décembre 2018
        Reply

        “Il me semble qu’on nettoie et qu’on coupe court ainsi à toutes les sortes de ressentiment.”…….pour se faire du bien à soi, à l’Autre, au deux?

        • 29 décembre 2018
          Reply

          Aux deux. Pour soi : ne plus être engoncé dans sa gêne. Pour l’autre : dégonfler le ressentiment.

  3. 24 décembre 2018
    Reply

    Merci de ces vœux ! Les croyants vont souvent se confesser avant Noël, ce qui rejoint votre souci de reconnaitre ses fautes. Très joyeux Noël à vous !

    • 28 décembre 2018
      Reply

      Bonsoir Marie-Anne,

      Je ne suis jamais allé à confesse mais la confession joue sûrement ce rôle moral et psychologique de l’aveu. Et avant tout, ça force probablement à reconnaître comme faute, erreur, maladresse, pêché – peu importe le mot qu’on utilise – ce que notre volonté de confort aura tendance à considérer comme normal ou naturel. Et le confesser, l’avouer, présenter des excuses, permet de remettre les compteurs à zéro, d’évacuer tout ce qui, sinon, finirait par nous gêner nous même.

      Mais il faut évidemment que ce soit sincère. Parce que si ça n’est qu’une façon de repartir de plus belle et de gagner du temps comme si on achetait des indulgences, c’est probablement pire que tout…

      • 30 décembre 2018
        Reply

        Je suis d’accord. Reconnaître ses fautes dans son for intérieur est déjà une grande étape – mais il est difficile de se juger soi-même et cela peut prendre très longtemps.

  4. 24 décembre 2018
    Reply

    Merci pour cette réflexion, Aldor.

    • 28 décembre 2018
      Reply

      Merci de m’avoir lu, Joëlle. Et joyeuses fêtes !

    • 5 janvier 2019
      Reply

      Merci Joëlle.

  5. Merci Aldor pour cette belle et utile réflexion, que je partage. Demander pardon n’est pas toujours facile mais libère aussi d’une certaine forme de culpabilité. Tout dépend de la raison.
    Mais que dire des personnes qui demandent “pardon” à tout va, comme si c’était une absolution facile et exempte de responsabilité, tout en continuant à agir comme bon leur semble ?

    • 28 décembre 2018
      Reply

      Je suis d’accord avec toi, Dom. Sur le premier point et sur le deuxième, qui a également été soulevé par Malyloup^.

      Le deuxième peut évidemment être une grande tentation. Je crois aussi qu’on peut donner l’impression d’agir ainsi parce qu’on a pas vraiment compris, pas précisé jusqu’au bout ce pour quoi on demandait pardon et ce qui était pardonné. Je me suis rendu compte que j’avais mal agi et j’ai demandé pardon mais il y a eu un malentendu ; je croyais que c’était pour ceci et en fait c’était pour cela ; j’ai donc arrêté de faire ceci mais non pas cela.

      Je pense – je suis sûr – qu’il m’est arrivé de ne pas comprendre ce qui m’était reproché et d’avoir obtenu un pardon mais pour autre chose que ce qui était compris par mon interlocuteur.

      • Oh mais moi itou… Certainement. Inéluctablement.
        Cependant, on ne peut nier qu’il existe des personnes pour lesquelles demander pardon compte comme une absolution sans le désir de passer par la case compréhension.

  6. 25 décembre 2018
    Reply

    Merci, Aldor, et un tout joyeux Noël également, à toi et aux tiens.
    Il est des oublis qui ne pardonnent pas !

    • 28 décembre 2018
      Reply

      Tu n’auras donc pas à l’être !
      🙂

  7. 26 décembre 2018
    Reply

    Sujet d’actualité à mon sens pour Noël. Je considère que l’on ne demande pas assez pardon mais aussi que nous même devrions d’avantage nous pardonner nos erreurs. Joyeuses fétes !

  8. 28 décembre 2018
    Reply

    Je comprends, Catherine, mais suis un peu partagé. Il est sûr que s’en vouloir ne sert à rien. Mais d’un autre côté, j’ai l’impression d’être très conciliant avec moi-même, peut-être un peu trop.

    Peut-être suis-je trop conciliant pour les choses importantes, où je devrais plutôt essayer de me corriger vraiment ; et sévère pour les choses sans importance, ce qui me permet de me donner bonne conscience à bon marché ?

    … En fait c’est très simple, je ne sais pas.

    Bonne soirée.

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