Dialoguer


Dans la grande prairie des malentendus que sont souvent les relations humaines, le dialogue permet que jaillissent les fleurs de la compréhension.


Le dialogue est le temps pris pour nuancer la pensée, la préciser, la mettre à l’épreuve de l’autre, percevoir comment elle est perçue. Il est le temps pris pour tourner autour. Non pas autour du pot mais autour de la sorte de statue de la pensée, cette statue que nous ne voyons ordinairement que d’un côté et qu’il faut apprendre à façonner et à regarder sous toutes ses faces, sous toutes ses coutures – exercice riche mais terriblement difficile, comme me l’a souvent dit mon oncle sculpteur, Michel Averseng.

Michel Averseng : Sur les traces d’Etty Hillesum

Le dialogue est ce temps pris pour ne pas aller droit au but mais pour se promener et saisir l’ensemble, la totalité. Ne pas réagir au quart de tour, se retenir de vouloir tout saisir en un instant mais être généreux de son temps, le donner avec gentillesse et attendre que la statue, qu’on ne voyait que de dos, montre son autre visage. La voix aussi peut y jouer, avec ses inflexions, et l’humour aussi, naturellement, ce sourire de l’âme que pratique tant Etty Hillesum et qui tant manque à Simone Weil !

Attendre. Ne pas bondir sur le sens premier – il serait plus juste de dire : la compréhension première.

Michel Averseng : Sur les traces d’Etty Hillesum

C’est aussi – j’y pensais en écoutant ce morceau de François Couperin intitulé La pudeur sous le domino couleur de roze – c’est aussi donner le temps à la pudeur. Tout le monde n’aime pas se montrer nu sur la place et certains, comme certaines pensées, sont pudiques et ne peuvent se révéler, ne veulent se révéler, qu’à ceux qui savent attendre, qui prennent le temps de les comprendre comme on caresse un corps, tendrement et amoureusement.

Car il y a de l’amour dans le dialogue, dans le renoncement à la porte claquée, dans ce temps pris avec gentillesse au rejet du rejet, dans le respect tendre de la pudeur, dans la mise de la pensée au rythme du dévoilement.

Aldor Écrit par :

5 Comments

  1. Cela me fait penser à une phrase, placardée sur ma bibliothèque, attribuée au poète persan Djalâl ad-Dîn Rûmî (XIIIe siècle) : Dehors, au-delà de ce qui est juste et de ce qui est faux, il y a un champ immense. Nous nous rencontrerons là.
    Merci Aldor pour ces réflexions toujours intéressantes 🙂

  2. 12 janvier 2019
    Reply

    Quel beau et subtil texte ! Merci et merci aussi pour Couperin..

  3. 13 janvier 2019
    Reply

    Un texte plein de sagesse et, surtout, de bon sens. Ces sculptures sont magnifiques. Je découvre et vous en remercie.
    Bon dimanche.
    Marie Blog Bonheur du Jour

  4. celestine
    13 janvier 2019
    Reply

    « Car il y a de l’amour dans le dialogue, dans le renoncement à la porte claquée, dans ce temps pris avec gentillesse au rejet du rejet, dans le respect tendre de la pudeur, dans la mise de la pensée au rythme du dévoilement. »
    Que j’aime cette dernière phrase ! On y trouve tout ton idéal, cher Aldor, ta grande humanité et ton sens du dialogue et de la confrontation pacifique des idées…Tu es un visionnaire, tu as cent ans d’avance.
     •.¸¸.•`•.¸¸☆

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