Le ministre, l’expert et la confiance


Étaient ces jours derniers débattu à l’Assemblée nationale un projet de loi sur un sujet que connais un peu. 

Suivre ce débat était très intéressant. Car les échanges entre le ministre et les députés portaient parfois sur des questions très générales mais parfois aussi sur des questions très techniques, très pointues, et notamment sur le genre de dispositions dont l’effet réel va à rebours de l’effet apparent, ce qui soulève toujours de grandes difficultés d’explication : on porte une proposition dont on pense qu’elle va éclaircir l’horizon et œuvrer pour la bonne cause mais voilà que, quand on tient compte des effets secondaires, des effets rebonds, des réactions probables suscitées par la disposition qu’on propose, c’est le contraire qui va certainement se passer ; et l’horizon qu’on croyait éclaircir va s’assombrir. Mais pour comprendre cela et plus encore pour l’expliquer, il faut parfois être tombé dans la marmite quand on était tout petit, ou y avoir passé des jours et des jours, parce que c’est complètement contraire à l’apparence, et complètement contraire à l’intuition.

Dans un monde bien fait, ce genre de dispositions très techniques devrait relever du niveau réglementaire et non du niveau législatif ; être débattu dans des conseils d’experts et non au Parlement. Mais la loi est ainsi faite que, parfois, c’est le Parlement qui en débat. Et il doit alors certainement arriver que, faute de maîtriser entièrement la matière (et je ne lui jetterai certes pas la pierre), le ministre ne puisse que faire confiance à ce que lui dit son administration, comme les députés de la majorité ne peuvent que faire confiance à ce que leur dit le ministre. Si bien qu’au bout du compte, tout repose sur la confiance que le politique accorde ou non à son expert.

On arrive ainsi au noeud de toute relation humaine : vient toujours un moment, dans toutes les relations quelles qu’elles soient, où l’on ne sait pas, où l’on n’a pas les moyens ou le temps de savoir et où il faut donc s’engager sur la seule foi qu’on a en la personne qui nous dit quelque chose, foi qui n’est pas elle-même fondée sur l’expertise mais sur quelque chose d’autre, un peu inexplicable, qui agit comme un raisonnement par récurrence pris à l’envers : je lui fais confiance parce que je lui fais confiance. Et c’est le fait de donner sa confiance qui miraculeusement la justifie.

Ainsi le politique doit-il, en définitive se fier, de la façon la plus humaine qui soit, à l’expert en qui il a placé sa confiance, comme les électeurs élisant le président de la République doivent, au bout du compte, et au-delà de tout programme et de toute idéologie, accorder leur confiance à un homme (ou a une femme évidemment), considéré du point de vue de ses seules qualités humaines.

 

 

Aldor Écrit par :

4 Comments

  1. C’est très juste et celà ouvre sous nos pas des abîmes n’est ce pas ?

    • 1 juillet 2019
      Reply

      Bonjour Aline,

      En fait, cela me rassure plutôt…

  2. 3 juillet 2019
    Reply

    J’ai un peu de mal, quant à moi, à faire confiance aux hommes politiques…
    Question d’expérience, sans doute… 😉
    •.¸¸.•`•.¸¸☆

    • 5 juillet 2019
      Reply

      Oh ! Je parlais plutôt de la confiance que les hommes politiques doivent accorder à leurs experts…

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