Point aveugle


Discussion, hier, avec quatre adolescents, sur l’environnement et les moyens de le protéger. Nous parlons transports, vêtements, énergie, jouets, alimentation, gadgets – parlons de tout et cherchons comment faire.

L’un d’entre-nous (l’une, précisément) prend une position assez dure et intransigeante : “Il faut faire ceci et interdire cela”. Et elle adopte cette position dure en paraissant oublier qu’elle-même n’est pas parfaite dans tous ses comportements, au regard de la façon dont elle juge les autres.

Il ne s’agit pas d’interdire de juger à qui n’est pas parfait ; plus personne n’en aurait le droit ! Il s’agit simplement – simplement ! rien n’est plus difficile, en fait – il s’agit simplement de montrer par son ton, son comportement, ses gestes, ses mimiques, sa façon d’être, que le jugement n’est pas pris du haut d’un savoir sans tache, ni du haut d’une supériorité quelconque mais seulement du fond de l’expérience, de la conviction ou de l’intuition. Il s’agit de montrer que ce jugement ou cette prise de position n’implique aucune prétention.


Tandis que j’enregistre, j’arrive devant une vue magnifique :


C’est la difficulté qu’affronte Socrate quand il met ses interlocuteurs devant leurs contradictions, ce qui est à la fois très utile et très délicat. Il faut savoir mettre ses interlocuteurs devant leurs contradictions, savoir les placer dans l’embarras mais en aucun cas ne paraître se prévaloir de quelque prétention ou supériorité que ce soit – combinaison qui est extrêmement difficile à atteindre parce que nous confondons – à tort – connaissance et légitimité.

Nous avons tous, probablement, un point aveugle, un angle mort, une zone de faiblesse, dans laquelle la force et la cohérence de nos convictions paraît s’anéantir. Ça n’est pas grave – à condition de le savoir, d’en tenir compte et de le montrer.

Ça n’est pas grave parce qu’au fond, c’est l’existence de cette faiblesse qui justifie que nos conseils puissent être utile aux autres, et peut-être aussi que nous puissions les donner : si nous étions tous identiques et parfaits, nous n’aurions nul besoin du conseil des autres ; si jamais nous ne trébuchions, jamais nous ne pourrions apprendre à marcher. C’est parce que nous ne sommes pas parfaits que les conseils et les jugements des autres peuvent nous éclairer ; ils éclairent ces angles morts que nous ne voyons pas nous-mêmes.

Et c’est du fond de notre imperfection, quand elle est sue et acceptée, du fond de nos hésitations et de nos tremblements, du fond de notre faiblesse et grâce à elle, que nous pouvons le plus apporter aux autres.

Ce n’est pas la perfection qui éduque et légitime, mais la conscience de l’imperfection. Ça n’est pas la connaissance qui permet d’apprendre à autrui ; c’est la conscience de notre ignorance.


Et le soleil a surgi des nuages.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

  1. 12 août 2019
    Reply

    J.’aime beaucoup ta dernière phrase, très juste et très sage … La conscience de notre imperfection et de notre fragilité nous rends plus humains me semble t’il.
    Magnifiques photos au passage !
    Bonne soirée Aldor.

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