Le jeu, La loi et la raison

Le Journal officiel de ce 7 mai publie un arrêté relatif à la procédure d’interdiction volontaire de jeux qui met en œuvre une disposition du Code de la sécurité intérieure qui prévoit que “toute personne peut demander à être interdite de jeux.“, et que cette disposition est applicable dans les casinos, les clubs de jeux, les sites de jeux en ligne et sur les bornes exploitées par la Française des jeux et le PMU.

Cette disposition est extraordinaire, irrationnelle diraient probablement mes collègues économistes. Elle n’apporte en effet rien et ne fait que restreindre mes choix. Si je ne suis pas interdit de jeux, je peux en effet, à tout instant, décider de jouer ou de ne pas jouer et même décider de me faire interdire de jeux. Mais interdit de jeux, je n’ai plus aucun choix. Je ne fais donc que renoncer à une liberté, à une opportunité, sans aucune contrepartie positive. C’est un choix qui, au regard de la rationalité, ne tient pas la route.

Et pourtant, ce choix infondé en raison est parfaitement fondé en psychologie. Face à certaines addictions, s’interdire soi-même de chuter en mettant en place des biens-nommés garde-fous, est pertinent.

Dès lors que des hommes, des femmes et des addictions entrent en jeu, la rationalité n’est plus forcément le seul guide de l’action. Et peut-être faut-il tenir compte de cela dans nos réflexions sur la croissance et la consommation – qui sont évidemment, pour une part, des addictions sociales.

Introduire dans la loi des dispositions générales de prévention du gaspillage, de la consommation, du pillage des ressources ou de la dévoration des espaces semble à première vue étrange : pourquoi se lier d’avance les mains ? Pourquoi s’interdire en général ce à quoi on pourrait renoncer au cas par cas ? Eh bien, justement : aussi étrange voire absurde qu’une telle interdiction paraisse, elle peut être fondée.

C’est Ulysse, le très sage Ulysse, qui, au moment de pénétrer dans les contrées que hantent les sirènes, demande aux membres de son équipage de l’attacher au mât pour éviter que, séduit par la voix enchanteresse de ces créatures, il ne se jette dans les flots.

Il faut parfois, dans les affaires humaines, agir bizarrement.

Aldor Écrit par :

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