Last updated on 3 décembre 2024
Le JORF publiait hier, comme il le fait probablement chaque jour, un arrêté, nécessaire mais sans intérêt, ayant pour objet de préciser les dimensions des affichettes annonçant les enquêtes publiques et la taille minimale des caractères devant y être utilisés.
Mon propos ici n’est pas d’examiner l’adéquation du moyen (le Journal officiel) à l’objectif (la taille standard d’une affichette) mais de relever que les indications données par l’arrêté sont extrêmement précises :
« Les affiches mentionnées au 4° du I de l’article R. 123-46-1 du code de l’environnement mesurent au moins 42 × 59,4 cm (format A2). Elles comportent le titre “ avis de participation du public par voie électronique ” en caractères gras majuscules d’au moins 2 cm de hauteur et les informations visées au II de l’article L. 123-19 du code de l’environnement en caractères noirs sur fond blanc. »
Or, pour revenir à mon dada actuel, c’est cette précision, cette exhaustivité dans la description dont les IA génératives d’images permettent de se passer. Car si les consignes (les prompts) données à un programme comme Midjourney peuvent être très détaillées, elles peuvent également être très générales tout en produisant des résultats extraordinaires.
La grande force (et la grande faiblesse) des IA génératives est en effet de partager avec nous (nous : êtres humains plutôt blancs et masculins vivant au XXIème siècle dans les pays riches du nord et de l’Occident) une immense épaisseur de connaissances, de références culturelles, de préjugés, de biais, de fantasmes, d’idées toutes faites, de lieux communs : tout un ensemble idéologique (cela soit dit sans aucun jugement) que nous avons en commun avec elles, et qui leur permet de comprendre en très peu de mots ce que nous voulons qu’elles représentent.
Je parlerai un autre jour de la blessure d’amour-propre qu’on peut ressentir quand on constate que ces programmes connaissent parfaitement notre conception, qu’on pouvait croire personnelle, originale, élaborée, de la beauté d’un visage féminin, et peuvent en générer en série, plus magnifiques les uns que les autres. C’est troublant et vexant. Mais pour en rester à des considérations plus générales, les IA partagent avec nous tellement de lieux communs qu’on peut s’adresser à elles comme on le ferait à une personne, sans avoir besoin de mettre les points sur les i, parce quelles saisissent la gigantesque quantité d’informations, d’implicite, d’allant sans dire, qui se cache derrière chacun de nos mots.
Il me suffit, ainsi, d’écrire (en anglais) Marseille, mur décrépit et couvert de tags, affichette, lumière rasante, coucher de soleil pour obtenir l’image d’illustration, qui est effectivement, bien que totalement artificielle, plus que parfaite, car elle colle exactement non pas à la réalité mais à la représentation que je m’en fait.
Et c’est dans la production de cette pseudo réalité collant à nos fantasmes que résident simultanément l’attrait des IA et leur poison.
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