Migrations

Affiche présentée dans le cadre de l’exposition Migrations au Musée de l’homme
(c) MNHN

Il y a actuellement au Musée de l’homme une exposition sur les migrations, exposition  dont la visite m’a d’abord ennuyé puis finalement plu, dès lors que (merci Bernard pour cette pensée si originale !), dès lors qu’on quitte les généralités pour embrasser la chair des parcours individuels.

Dans les dernières salles, l’exposition revient sur la longue, très longue histoire des migrations humaines. Mais peut-être ce passionnant récit n’insiste-t-il pas assez sur le caractère particulier des migrations humaines : non seulement les humains, depuis les temps les plus lointains, migrent ; mais ils sont, par excellence, les animaux qui migrent, et les seuls qui (si je ne me trompe pas) aient, dans tout le vivant, fini par occuper, par leur migrations, la totalité de la planète, de l’équateur aux cercles polaires. Déjà les premières espèces d’hommes : Rhodesiensis, Néandertal, Denisova, qui finiront par disparaître pour laisser Sapiens seul en scène, se sont déployées hors d’Afrique ; mais avec homo sapiens c’est le pompon, celui-ci se répandant partout sur le globe, certains individus restant dans la zone d’origine, en Afrique, tandis que d’autres allaient voir ailleurs à travers le vaste monde jusqu’à l’Océanie et les Amériques. Et il n’y a que les humains pour faire ça : s’étendre et se déployer. Non pas migrer de façon saisonnière comme beaucoup ou changer peu à peu de lieu de vie comme les espèces s’adaptant au changement climatique mais se déployer partout, d’un bout à l’autre, partir au loin tout en laissant ses parents ici.

Je m’étais et je me pose chaque fois la question à Porquerolles : pourquoi les premiers homos arrivés ici il y a quelques centaines de milliers d’années, pourquoi sont-ils partis vers la neige, le brouillard et le froid ? Pourquoi quitter le Paradis ? Et d’une conversation avec Éléonore, j’avais tiré la conviction que c’était sans doute un peu par curiosité mais surtout par ennui, peur de l’ennui peut-être plus encore, parce qu’on se lasse de tout, même de la splendeur, et que cela nous désespère, et qu’on noie notre désespoir dans la fuite comme d’autres dans la boisson.

Et d’une certaine façon on a raison : j’étais à Londres ces derniers jours (et je reparlerai de cette ville archétypique et gothamique). Eh bien ! Londres a trouvé, dans la diversité de ses architectures et de ses paysages urbains, dans la juxtaposition incessante du brutalisme et du palladien, quelque chose d’infiniment plus vivant et nourrissant que l’harmonie, l’harmonie douce et haussmannienne de Paris. De même que, après une journée passée dans les splendeurs classiques de la National Gallery ou du Louvre, on respire et revit des oeuvres singulières de la Tate Modern ou du Centre Pompidou.

C’est étrange, c’est paradoxal, c’est irrationnel mais c’est ainsi : nous autres, êtres humains, avons envie et sans doute même besoin de respirer, de sortir de ce que nous connaissons, même quand nous l’aimons, de voir ailleurs. Nous sommes cet animal qui migre.


En illustration sonore de ma, lecture, Lucy in the Sky, des Beatles, parce qu’avant même les premiers homos, les ptemiers Australopithèques afarensis avaient commencer à regarder ailleurs, vers la grande savane, et à l’explorer.


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2 Comments

  1. 10 décembre 2024
    Reply

    Oh oui, je confirme, ça fait un bien fou de sortir des sentiers battus…
    Certains appellent ça la zone de confort.
    😉

     •.¸¸.•`•.¸¸☆

    • 16 décembre 2024
      Reply

      Ah ? Je n’aurais pas dit cela, Célestine. Je n’aurais pas dit que sortir des sentiers battus était comme sortir de sa zone de confort. Quand je me regarde, je me vois assez facilement sortir des sentiers battus et que c’est peut-être ce faisant que je reste dans la zone de confort. Que sortir de celle-ci exigerait peut-être justement un peu plus de persévérance, de continuité, d’approfondissement.

      Vois-tu ce que je veux dire ?

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