Le jeu de l’ultimatum

Un ami et moi avons trouvé ensemble un trésor. Pour des raisons pratiques, c’est moi qui ai dû l’emporter. Puis vient le moment du partage : que vais-je proposer à mon partenaire, sachant (i) que c’est moi qui ai la main sur le trésor, (ii) que je dois absolument proposer un partage, (iii) qu’il faut que mon partenaire soit d’accord avec moi sur le partage proposé, sinon quoi le trésor disparaîtra complètement et sera définitivement perdu pour nous deux,  et (iv) que c’est un jeu à tour unique : chacune de nos décisions est irrémédiable.

L’équité (la justice ? Ne la mêlons pas à cela) voudrait que je propose un partage 50/50. Mais l’intérêt et la stratégie  peuvent me conduire à faire d’autres propositions :

  • si je propose à mon ami de tout garder pour moi et de ne rien lui laisser, il refusera probablement puisqu’il ne gagnera rien à accepter et ne perdra rien à refuser ; moi-même, je perdrai donc tout : mauvaise stratégie ;
  • Je perdrai également tout si je lui propose de tout prendre : peu de chances que je fasse ce choix ;
  • Quoi que je lui propose entre 1 et 99, nous gagnons tous deux à son acceptation et perdons tous deux à son refus. Parce que mieux vaut, pour lui comme pour moi, gagner 1 que tout perdre ;
  • Cependant, proposer à mon partenaire une part très faible est un stratégie dangereuse : certes, il gagnera toujours plus à accepter qu’à refuser mais si le partage est très inéquitable en sa défaveur, ce qu’il perd à refuser est très faible et il peut donc choisir de refuser pour le plaisir de me voir tout perdre.

Compte tenu du pouvoir que détient mon partenaire et de l’aversion au risque que lui comme moi avons (nous voulons bien prendre le risque de perdre un peu, mais pas trop), les stratégies qui paraissent réellement jouables sont celles où le partage varie de 80/20 à 20/80 (le premier chiffre étant la part que je propose de garder pour moi). Et si l’on tient compte de la puissance du sentiment de justice, ou plutôt de la puissance que recèle le sentiment d’injustice, j’aurais quant à moi tendance à vouloir minimiser les risques de refus et à ne proposer donc que des partages allant de 20/80 à 50/50.

Je serais curieux de connaître la stratégie que nos amies IA et autres LLM proposeraient de suivre à ce jeu ; de savoir si cette proposition diffère d’une LLM à l’autre et si elle dépend du genre qui leur a été assigné (quand un genre leur a été assigné – ce qui ouvre un autre territoire fécond de recherches).


En fond musical de ma lecture, « Here’s to you, Nicola and Bart« , de Joan Baez et Ennio Morricone, car cette chanson exprime bien le sentiment de scandale que provoque chez nous l’injustice.

Et l’illustration est un croquis, grandement amélioré par l’IA, dont voici l’original.


En savoir plus sur Improvisations

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.