Que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres.
Auteur/autrice : Aldor
Peut-être faut-il, pour ressentir vraiment certaines choses, les recueillir dans le silence, les absorber dans le silence, et dans le silence les laisser mûrir et s’épanouir. A vouloir les dire, les exprimer, les mettre en mots, on risque non seulement de les gauchir, de les affadir ou de les détourner de leur sens premier mais, plus radicalement, de ne pas leur donner le temps.
C’est pourquoi la catastrophe écologique nous heurte et nous blesse plus profondément que nous ne saurions le dire, plus profondément peut-être que nous n’en avons conscience. Ce n’est pas seulement la survie de l’homme en tant qu’espèce ou ses conditions de vie futures qui nous préoccupe et nous touche dans la destruction à laquelle nous assistons ; c’est la blessure qui nous est à nous-mêmes infligée et que nous ressentons comme telle : quelque chose de nous-même est affecté, quelque chose de nous-même s’effiloche, se corrompt et se perd dans ces animaux qui disparaissent et cette terre qui s’immondice. C’est à nous-même que le coup est porté.
Depuis que l’homme est homme, probablement, il conçoit le monde, pense et vit selon deux directions opposées : l’une qui est lumineuse et joyeuse ; l’autre sombre et austère. Ainsi, l’écologie est ce qui nous pousse à épouser la cause du monde, à défendre sa beauté, son infinie diversité, sa somptueuse richesse, l’immense joie de la création. Mais certains jettent sur cet élan une chape de bien-pensance et étouffent ce dynamisme sous une sorte d’ordre moral au gré duquel il faudrait faire repentance et pénitence car nous avons avons été trop joyeux, trop plein d’énergie, pas assez humbles et modestes.
Il y a, au coeur des religions révélées d’occident, un point aveugle, officiellement rejeté comme hérétique et qui pourtant imprègne et irrigue toute la pensée et tous les comportements des croyants : l’encratisme.
Entrer dans le silence pour pouvoir entendre la douceur qui se chuchote, épouser la nuit pour y apercevoir la lueur de la tendresse, faire silence et calme en moi-même pour ressentir ce qui est humble, et fragile, et subtil, et terriblement important.
Il y a des choses : paysages, toucher ou entendre celle que j’aime, visages d’enfants, de femmes ou d’être chers, ou cette chanson, qu’on a entendu en introduction et qui, dès la première écoute, m’a fait tressaillir – il y a des choses qui, on ne sait pas pourquoi, bouleversent et font monter en nous, de façon irrépressible, une sorte de sanglot, ouvrent une déchirure.
L’amour des ennemis, c’est peut-être cela. C’est au moins en partie cela : savoir les écouter et ne pas se fermer à eux sous prétexte qu’ils sont nos ennemis. Ne pas cloisonner nos oreilles au motif que ce qu’ils diraient serait forcément faux puisqu’ils sont du mauvais côté.