Choux de Bruxelles

Choux de Bruxelles cuits à la poêle

Je dois à Fabienne d’avoir, après une longue période de haine et d’absolu refus ; je dois à Fabienne d’avoir, après plus de cinquante ans d’éloignement et de haut-le-cœur à la seule pensée d’en sentir l’odeur détestable ; je dois à Fabienne d’avoir, faisant table rase du souvenir pénible, quoique lointain, de mes cantines scolaires, du relent, vivace encore dans ma mémoire, de ces grandes marmites métalliques dans lesquelles un bras vigoureux venait puiser, avec une écumoire, ces espèces de boules puantes avant de les déverser, mouillées et mollassonnes, dans mon assiette creuse en arcopal ; je dois à Fabienne, donc, d’avoir, surmontant un dégoût devenu central, essentiel, quasi ontologique, une de ces certitudes, même négatives, à partir desquelles une vie se construit et peut-être même se définit ; je dois à Fabienne d’avoir, hier soir, dans le secret de ma cuisine, nettoyé,  tranché, préparé puis mangé des choux de Bruxelles.

Je ne pensais pas, il y a une semaine encore, qu’on m’y reprendrait. Puis, convaincu, j’ai voulu essayer. Et grand bien m’en a pris. C’est surprenant comme, coupés en deux ou en quatre puis longuement rissolés dans une poêle avec de l’huile d’olive, comme Fabienne me l’avait conseillé, cela n’a rien, mais alors strictement rien à voir avec la chose fétide qu’on me forçait à manger à l’école maternelle Raymond Teisseire de Marseille, cette chose qui flottait et déliquescait dans son triste bouillon, et que je pleurais presque de devoir avaler tellement c’était mauvais.

Pourquoi, pourquoi donc les préparait-on ainsi ?


Derrière ma lecture, en illustration sonore, La cantine, de Jim Larriaga, popularisée par Carlos.


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