Frida dans la ville-monde

Elle avait ses grands et épais sourcils, ses cheveux magnifiquement noirs, ses yeux flamboyants et, bien que je n’y connaisse rien, c’est certainement l’accent mexicain qui chantait dans son espagnol. Elle, c’est Frida Kahlo, la Frida Kahlo devant laquelle, hier matin, sur l’esplanade des Invalides, j’ai arrêté mon vélo tandis qu’elle avançait, sans me voir, vers la rue de l’Université, ou peut-être Saint-Dominique.

On me demandait l’autre jour, on me demande souvent (comme aiment à dire ceux à qui on ne demande jamais rien) ; on me demandait l’autre jour pourquoi j’aimais vivre à Paris. Eh bien, c’est moins pour ses théâtres, ses musées, ses monuments, que pour cela : pouvoir croiser, tout au long de l’année, Frida Kahlo ou d’autres, je veux dire le monde entier.

Ce que j’aime par dessus tout à Paris, ce sont les touristes, toutes ces femmes et tous ces hommes (mais les femmes plus encore que les hommes) dont les vêtements, l’attitude, les façons, la langue, racontent mille origines et autant de chemins, se croisent dans les mêmes rues, respirent le même air,  viennent, ensemble et chacun, porter ici témoignage de la diversité humaine, de la grande et belle diversité humaine.

Entendre, tandis que je marche sur un trottoir, du grec, de l’hébreu, du chinois, de l’anglais, du russe, de l’arabe ; croiser des hommes en turbans et des femmes en voiles ; côtoyer la rousseur, la blondeur, la bruneur, la crêpeur, la tresseur de toutes ces chevelures, picorer quelques mots d’anglais par ci et d’italien par là, surprendre des conversations américaines, vietnamiennes ou sénégalaises, cela me donne un grand plaisir, un grand bain d’humanité.

C’est cela, à mon sens, la vraie, la profonde richesse des cités capitales, des métropoles, des villes-monde à la Braudel : elles sont comme des aleph où se concentre l’univers, comme ces planètes centrales des livres et films de science-fiction où tout se trouve, s’échange, se perd, se retrouve, où tout se frotte, s’entrechoque, se rapproche et peut soudain danser, où tout peut arriver.

Cosmopolite. J’aime la ville cosmopolite où chacun découvre l’autre, où chacun, dans l’autre, se découvre lui-même.

Aldor Écrit par :

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