Avant-hier, se promenaient dans la rue deux dames qui, sous le soleil de midi, portaient de grands chapeaux. Ainsi vêtues, elles étaient adorables et je le leur ai dit.
Bien que n’en portant jamais, j’aime bien les chapeaux. Ils sont, parmi les accessoires de l’élégance, l’un de ceux qui en illustrent le mieux le caractère ambivalent : en certains cas, l’élégance est prétention : « Voyez, j’y suis arrivé ; j’ai les moyens, de beaux habits et vous écrase de ma morgue » ; elle peut aussi être tout le contraire : une sorte d’obéissance assumée à la norme, d’aveu, de révérence faite à la fragilité et au comique de la vie.
On peut probablement ainsi porter le chapeau pour en imposer. A tout le moins a-t-on pu, en d’autres temps, le faire. C’est le haut-de-forme des grands magnats de l’industrie ou le grand chapeau des nobles de l’Ancien régime.
Commerçant européen (statue chinoise, Musée Guimet)
Mais, aujourd’hui surtout, le chapeau est devenu tellement suranné qu’il fait seulement sourire, éveillant dans l’esprit l’image sympathique de la reine d’Angleterre.
Porter un chapeau, ça n’est plus du tout en imposer. C’est au contraire accepter de paraître un peu décalé, un peu ridicule, parce qu’on a un rôle à jouer et qu’on l’assume. Non seulement le rôle précis de la reine d’Angleterre mais le rôle d’homme ou de femme, de créature sociale et éphémère qui cherche, comme elle peut, à être plaisante, agréable aux autres, à embellir le monde, comme le font les fleurs et les étoiles filantes, ces autres créatures éphémères. Faire sa part, avec si possible légèreté et humour.
Et par ce magnifique renversement qui appartient aux choses importantes, c’est le négligé, l’absence d’élégance, le simple, qui, bien que paraissant humbles, peuvent être (mais pas toujours) le signe de la prétention, voire de l’orgueil de qui les pratique : ne pas soigner son apparence, ce peut être s’en ficher ; ce peut être aussi l’afficher comme une coquetterie pour bien montrer à quel point les autres nous indiffèrent.
A moins que tout cela ne soit – ce que je n’exclue pas totalement – que les élucubrations, les projections d’un esprit un peu tordu mettant des intentions et des interprétations là où il n’y en a pas.
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Négligemment élégant, ou vice et versa. L’interprétation appartient à l’interprète, aussi bien en musique qu’en psychanalyse. C’est très bien comme cela et l’interprétation en devient une oeuvre en soi, tout aussi originale que l’originale. Alors vivent les interprétations … un peu moins en psychanalyse quand même.
Douce soirée, Aldor.
Effectivement, Gilles. Tu fais bien de le rappeler.
Ah ben mince, j’avais mis un commentaire ( ce n’est pas la première fois) mais il a disparut ! Je te disais que tu n’as pas l’esprit tordu 😉 Que la façon de se vêtir et de se chapeauter en dit long sur une personne, tout comme la façon de se mouvoir … Tou en fait, ou presque peut être sujet à l’interprétation ! Bonne après midi Aldor 😊