Les modes managériales vont et viennent ; c’est, pour qui y a passé un certain temps, un des divertissements de la vie en entreprise. Et parmi ces modes et ces mouvements, l’importance que prennent parfois certaines procédures, certaines actions qui, d’aidantes et de supplétives, deviennent, pour un moment, des objectifs en soi et des finalités, entraînant une sorte de perversion des façons d’agir, si ce n’est même de l’objet social.
Ainsi, l’audit. L’audit, au départ, est conçu et fait pour que des procédures de qualité soient suivies, pour que les entités ne s’endorment pas sur leurs lauriers mais continuent à être vigilantes et attentionnées à ce qu’elles font. Mais au fur et à mesure que les directions de l’audit grossissent et prennent de l’importance, leurs procédures s’alourdissent, deviennent de grosses machines, auxquelles les autres directions, les directions auditées, s’adaptent en adaptant elles-mêmes leurs procédures. Et c’est ainsi qu’on se met à travailler dans la perspective de l’audit en faisant en sorte que ce qu’on fait colle bien aux desiderata de l’audit, coche les 53 000 cases à partir desquelles les directions de l’audit tressent leurs couronnes ou affûtent leurs critiques. Et on ne cherche plus à faire bien ou au mieux ; on cherche à optimiser notre notation par l’audit, comme les constructeurs automobiles cherchaient à optimiser leurs moteurs non pas dans l’absolu mais au regard des critères utilisés par les tests de pollution.
Et c’est le même phénomène avec la communication : la communication, ce fut longtemps un moyen d’accompagner la stratégie, de la faire valoir. Mais les réseaux sociaux sont devenus si prégnants, la parole et l’expression si violente et si forte que communiquer est devenu une fin en soi. A telle enseigne qu’on en vient à faire des choses, à créer de toutes pièces des événements, non pas pour elles-mêmes mais parce qu’elles permettront de publier un papier, d’apparaître, d’avoir des vues sur Twitter ou LinkedLn.
Tout ça n’est pas très grave. Ce sont de grandes vagues qui viennent et qui reviennent, d’amples mouvements de balanciers.
Mais c’est tout de même extraordinaire à vivre.
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