La ronde des passions


Avec le temps, des choses qui nous passionnaient, nous fascinaient, mobilisaient notre attention, nous deviennent indifférentes. Et inversement, nous voici attirés et attentifs à des spectacles et des sons dont nous ne nous soucions pas hier.

Faisant du vélo à Porquerolles, je me suis longtemps préoccupé des bancs de sable qu’on trouve sur certains chemins et qui peuvent faire choir celui qui s’y engage mal : tout au long de mes promenades, je les guettais et veillais à ce qu’ils ne me surprennent pas. Et puis  hier, je suis rendu compte qu’ils ne me préoccupaient plus et qu’ayant disparu de mon esprit, ils avaient comme disparu du monde.

Symétriquement, le bruit du vent ou des pies dans les arbres, le roulement des vagues approchant de la plage, l’éclat des fleurs dans le ciel bleu sont devenus choses sensibles : je les perçois alors qu’ils m’étaient invisibles.

C’est ainsi que nos angles d’attention changent comme le font nos passions et nos centres d’intérêt : nous sommes capables d’être, pendant des semaines, des mois, des années, des experts fascinés par à peu près n’importe quoi : football, taoïsme, pokemons ou montres mécaniques. Puis quelques mois passent et, sans avoir tout oublié, nous sommes passés à autre chose, puis autre chose, puis autre chose encore.

Et c’est ainsi que va la vie, faisant de nous des girouettes consentantes, comiques et un peu ridicules, avant qu’elle ne s’arrête.

Les pessimistes voient en cette légèreté de nos passions et attirances un motif à tristesse. Mais on peut aussi s’en réjouir : c’est ce flottement, ce ballotement continuel qui nous permet, sinon de jeter un regard objectif sur le monde, du moins de nous faire une idée de son irréductible épaisseur, et de deviner qu’il ne se résume pas à la trop simple apparence qu’à chaque instant, qu’à chaque passion, nous avons de lui.

C’est le temps qui, nous faisant regarder les mêmes choses à travers des œillères changeantes, nous fait sentir la richesse inépuisable du monde.

C’est notre insupportable légèreté, v
Notre inconstance, notre frivolité, qui nous rendent sage – ou qui du moins nous assagissent.

Aldor Écrit par :

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