Il y avait tout à l’heure dans la rue une belle jeune fille à vélo. La regardant, j’ai compris pourquoi on prête parfois au désir une dimension maléfique. Car ce qui m’attirait dans ce beau corps, ce que j’enviais, au fond, c’était sa jeunesse.
J’ai pensé à tous ces livres, à toutes ces histoires qui dépeignent des vampires, des créatures mauvaises, immensément riches et vieilles, prêtes à tout pour acquérir un élixir de jeunesse, pour être ce qu’elles avaient été. C’est une parcelle de leur esprit qui avait un moment traversé le mien : un éclair d’envie qui, dans le corps et le sourire entrevus, avaient voulu et désiré non le corps et le sourire eux-mêmes mais la jeunesse qui s’y incarnait ; un désir d’ogre voulant de la chair fraîche pour se régénérer, pour se rajeunir de cette dévoration.
Peut-être y a-t-il toujours, au fond du désir masculin, celui au moins des hommes de mon âge, cette dimension ogrique autant qu’orgiaque : une envie malsaine mais atavique de se nourrir de l’énergie et de la jeunesse perdues, un besoin irrépressible de vivre le rêve du Docteur Faust et de trouver une Marguerite qui écartera la nuit qui tombe et réveillera de son amour notre soif et nos ardeurs.
Et au fond de ce désir, qui est refus angoissé de la mort, derrière ce démon de midi si bien nommé, Méphisto qui nous guette, goguenard, son pacte de sang à la main.
Je ne connais pas l’auteur de la statue en papier mâché dont la photo illustre ce papier. J’ai pris l’image en juillet 2018, au Palais de Tokyo, à Paris, dans le cadre de l’exposition Enfance.
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Brr ! tu sais que tu pourrais me faire peur par moments ? 😉
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J’espère bien que non, Chère Célestine. Et puis quoi : toi, avoir peur d’un ogre ? Tu galèjes ?
ah oui ! la belle jeunesse !… d’ailleurs je ne comprends pas la revendication des femmes mûres à être désirées… C’est très courageux à toi d’avoir fait ce billet… « le corps des femmes est une sorte de moyen d’arriver à ne pas accepter le temps qui passe » (et pour les « cougars » ce doit être la même chose)… Pour les vieux couples, le compagnonnage tendre et amical doit pouvoir compenser ce déficit d’élan du désir de leur jeunesse, mais il ne le remplacera jamais… jamais ! La jeunesse, c’est trop fascinant…