L’aspiration au bonheur

Fendre la brume (création hybride)

On n’aspire pas seulement à vivre, on aspire à être heureux. C’est normal et sain mais il arrive que, sous l’effet de pensées perverses et manipulatrices, d’idéologies morbides et dominatrices, on l’oublie. Et cet oubli est une défaite de la joie, de l’esprit et de la vie.

Je me souviens avec honte d’avoir, au printemps dernier, pensé, devant l’image de Gazaouis se baignant dans la mer, que, s’ils pouvaient songer à se baigner, leur sort n’était pas si terrible.

Je m’étais fait la même réflexion, longtemps auparavant, quand j’avais lu, dans une des lettres envoyées de Westerbork par Etty Hillesum, le récit d’une nuit passée à maquiller une jeune fille qui allait bientôt partir pour le néant : si elle peut encore s’intéresser à son maquillage, elle ne doit pas être trop à plaindre, m’étais-je très bêtement dit.

La vérité est que, sans rejeter pour autant l’Amor fati, cette attitude d’accueil ouvert des choses et de la vie dont Laurence, après Nietzsche et Camus, nous parlait le week-end dernier, Amor fati du bien-fondé duquel je crois être intimement convaincu, la vie est, sauf pour ceux dont l’esprit a été perverti, écrasé, ravagé par le malheur ou par le mal ; la vie est intrinsèquement recherche du bonheur. Les êtres, quels qu’ils soient, ne cherchent pas seulement à survivre mais à vivre et à jouir de la vie, et c’est dans cette quête même du bonheur et de la joie que, comme les plantes dans l’élévation vers la lumière, ils trouvent la force de se lever le matin, de se soigner, de se consoler, de vivre.

L’esprit de jouissance, que les intégristes, inquisiteurs et massacreurs du Bataclan  considèrent depuis toujours comme la marque du mal et de l’infamie, est cette pulsion qui nous fait vivre et dont ils ont honte parce qu’ils ont la prétention, l’orgueil vraiment diabolique d’être de purs esprits plongés dans un corps étranger. Et ils répriment avec rage chez les autres ce qu’ils ne peuvent réprimer chez eux.

Mais celles et ceux qui ne trouvent de bonheur que dans la peine, qui ne font que de nécessité vertu, qui voient le rire comme une offense, la joie comme un sacrilège et qui voudraient qu’à chaque instant, on se considère endetté parce que vivant ; ceux là aussi poursuivent une jouissance, une jouissance sombre et amère, celle de la chute et de l’abîme, du vertige et du refus de soi.

Je m’en veux d’avoir pu parfois, en de rares instants de tristesse, d’avoir pu ne pas leur rire au nez tellement j’étais tombé si bas.

Il faut, toujours, fendre la brume des angoisses et des peurs.


En illustration musicale, derrière ma lecture, Here Comes The Sun, des Beatles, parce que voir apparaître le soleil au sortir de la nuit est une des premières joies qu’on ait.


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