Un rêve du petit matin, resté dans ma mémoire tandis que je me réveillais. Rêve de vie politique, que suscite probablement cette période d’élection, mais où apparaissent, brouillés ou non, d’autres élements, déliés de ce contexte : Marie-Claire, rencontrée il y a quelques semaines lors de ma randonnée dans le désert, avec laquelle j’échangeais, il y a deux jours, à propos de la musique de Gurdjieff et qui apparaît ici jouant avec des CD-roms [!], mais aussi, pesant sur le rêve comme une interrogation à battre et à rebattre, la question lancinante au bureau de savoir s’il est préférable, quand on modifie un texte, de faire apparaître clairement les modifications ou s’il vaut mieux livrer un document propre et à lire d’un oeil neuf.
Puis, traversant tout cela, l’extraordinaire prétention du rêveur (comme on dirait le narrateur), qui apparaît dans l’ensemble du rêve et de son récit mais éclate tout spécialement à la fin, quand je m’interroge en mon for intérieur (et sans oser, me semble-t-il, exposer publiquement le choix) sur la question de savoir qui, d’Edgard Pisani ou de moi, devra signer la tribune publiée dans Le Monde.
“Apprendre à s’effacer“, me disait hier l’aimée. Le chemin n’est pas encore terminé…
Merci Aldor pour le récit de votre rêve, saugrenu comme beaucoup de rêves!
A vous l’entendre raconter, je saisis deux questions qui surgissent (mais il y en a d’autres). La première est celle de l’attente des fameux députés, qui cherchent à retrouver dans le texte la trace de leurs propres idées. Cela interroge, il me semble, la posture du lecteur: comment lit-on un texte? Cherche-t-on à y retrouver nos idées, nos pensées, nos émotions, notre vérité en somme, ou sommes-nous tout ouverts à la nouveauté qu’il propose? La première posture nous rend-elle mauvais lecteurs? La deuxième laisse-t-elle la possibilité d’aimer un texte (de l’approuver pour les députés) où l’on ne se retrouve pas?
Le deuxième élément qui m’interpelle, c’est, évidemment, la question de la signature, et dans un certain sens, cet élément rejoint l’autre. J’ai l’impression que se pose la question de la facture, la composition du texte. L’origine des idées. Le texte comme nécessairement une réécriture d’autres textes, un texte naissant d’une réflexion qui nait elle-même d’autres réflexions. L’intertextualité intrinsèque du texte. Un texte n’est-il pas, par essence, une co-écriture de l’auteur et des auteurs qu’il a lus, de ses interlocuteurs, et des lecteurs qui ne cherchent pas forcément à voir ce que l’auteur voulait dire (comme le texte de votre rêve)? Est-ce alors légitime de le signer de son nom seul (je ne dis pas que non mais j’ai le sentiment que c’est un des enjeux de cette étrange scène. D’ailleurs je me garderai bien d’apporter des réponses définitives et abruptes aux questions posées).
Il y a encore beaucoup à dire, mais ces deux questions autour de l’écriture et de la lecture m’intéressent particulièrement.
Merci encore pour ce rêve qui sonne comme un sujet de dissertation, et pour votre voix donnée qui invite bien doucement à la réflexion.
Elles sont très intéressantes, tes questions, Clémentine. Il faut que j’y réfléchisse un peu…
Sur la première question, Clémentine, je crois qu’il y a les deux : on découvre de nouveaux mondes avec un livre, comme avec un ami ou un être aimé qui ouvre de nouveaux horizons. Mais si l’on peut relire un même livre plusieurs fois et y trouver de nouvelles choses, c’est que des choses résonnent à un moment qui la veille étaient passées inaperçues. ET dans ces moments que nous avons parfois durant lesquels une pensée devient obsédante, c’est l’écho de cette pensée que, volontairement ou non, nous recherchons dans nos lectures.
Voi là du moins ce que je crois.
Oui Aldor, je suis assez d’accord. Nous retrouvons inévitablement des échos de nous-mêmes dans un livre lu, une œuvre découverte, un ami rencontré. Nos lectures sont mouvantes au rythme où nous le sommes. Mais cela, sans doute, ne nous empêche pas d’y voir la nouveauté neuve, fraîche, étrangère, qui nous charme souvent et que l’on désire aussi…