J’assistais hier à la cérémonie durant laquelle le président de l’entreprise où je travaille présente ses vœux aux salariés du siège.
C’est une cérémonie agréable et attendue, qui permet de dresser un bilan de l’année terminée et de dessiner les perspectives de l’année qui vient, mais aussi de saluer et converser de vive voix avec les personnes avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler mais qu’on ne côtoie cependant pas forcément, ou seulement dans un cadre plus formel.
La règle veut qu’avant le moment quelque peu solennel des vœux proprement dits, un petit film documentaire, réalisé par la direction de la communication de l’entreprise, soit projeté, pour rappeler à l’assistance ce que nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous avons fait, les remercier du travail accompli. Et cette année, ce petit film, comme le faisait justement remarquer Jasmina, était fort bien fait, joyeux, coloré, dynamique et plein de jeunesse, sortant du ton légèrement suranné qui fut longtemps notre marque de fabrique.
Tout aurait donc été pour le mieux s’il n’y avait eu la bande son, qui tentait, par de graves pulsations lancinantes de basses, de nous entraîner malgré nous dans une sorte de mouvement instinctif, de cérémonie sacrée, de danse sabbatique sous-tendue, dominée, rythmée par le chant profond, à la limite du son et de l’infra-son, qui montait du sol et des murs, défonçant nos oreilles et nos poumons, nous faisant tous vibrer d’un même battement subliminal, nous enveloppant dans ses rêts d’ondes et nous poussant à former un même corps, une même unité vitale et vaguement extatique, serviteurs de Baal communiant au sein de la même cérémonie d’envoûtement, comme ces servants de je-ne-sais-plus quel Indiana Jones que la drogue, les psalmodies et l’éclat noir d’un grondement sourd retiennent enchaînés, inconscients, au fond d’une caverne obscure.
Nous étions là, vibrant sous la puissance des basses et des baffles, animés de ce mouvement primal qui s’imposait à nous, de ce battement instinctif et vital qui pénétrait en nous et nous manipulait.
Ah ! Ces basses ! Tous les cultes, toutes les églises et tous les totalitarismes ont eu recours à leur immense puissance, celle des orgues et des gongs dans la vibration desquels nous perdons conscience de nous-mêmes et devenons une parcelle d’un ensemble plus grand, la partie d’un tout.
Pourquoi veut-on toujours que la communion et l’élan collectif passent par une sorte de court-circuitage de l’intelligence ?
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Pour mieux assujettir ?…
Bonne réflexion. Je n’y ai jamais pensé, je crois, mais maintenant je me dis que ça fonctionne hyper bien sur moi ces vibrations. Elles ont la propriété d’unir. N’est-ce pas aussi le cas dans le cas du OM prononcé dans certaines méditations ? Je ne l’ai pratiqué d’une fois mais je me souviens avoir ressenti une unité intérieure, ce qui était très agréable, mais c’est aussi un moyen pour unifier la masse humaine et d’effacer l’individu, et on sait à quelle point les masses sont manipulables. En avez-vous parlé avec d’autres ? Cela les a-t-il gêné ou avez-vous été le seul à vous en apercevoir ?
Intelligence ? C’est plutôt encombrant quand il s’agit juste de gentiment obéir, non ? Finalement, j’ai dû régulièrement faire un contresens magistral sur l’expression « doucement, les basses » ! Bon courage, Aldor !
Bonsoir Aldor. J’aime cette réflexion qui ressemble aux arguments d’Antonin Artaud, dramaturge , qui invite les acteurs à s’inspirer de ce fakir qui par le son de sa flûte fait vibrer le sol qui ne laisse pas le cobra insensible qui réagit et exprime son engagement par une dance à la verticale comme pour saluer la hiérarchie qui chatouille son ego pour mieux l’exploiter et le faire participer au spectacle. Au cours du bilan le travailleur abandonne son statut d’acteur et devient spectateur qui réagit aux vibrations qu’on lui transmet.
Avoir conscience de faire partie d’un grand tout n’est pas forcément un manque d’intelligence…je dirais même que quand il s’agit d’écologie, c’est plutôt futé et clairvoyant…
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Tu as raison, Célestine : la nature, le monde, l’humanité, le vivant, la création, Dieu peut-être.
…Mais le toit auquel on voulait nous agglomérer l’autre soir n’étais pas de même nature, de même dignité…
Je comprends…et je te taquinais !
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