Last updated on 13 février 2019
Un acteur – qui à cette occasion paraît d’ailleurs jouer son propre rôle – dit : “Ils me font chier, les Gilets jaunes !”, exprimant ainsi un sentiment – compréhensible – d’exaspération. Et voici qu’une partie de la France et de l’opinion s’empare de ce cri du coeur et paraît s’y rallier, comme s’il y avait là motif à ralliement.
Là est la novlanguisation de la pensée : non pas dans l’expression, sincère et personnelle – à laquelle il n’y a rien à redire – d’un ras-le-bol, mais dans l’espèce de lâche soulagement et de ralliement moutonnier que cette expression provoque, comme s’il n’y avait rien de plus intéressant à dire sur les Gilets jaunes que ce vulgaire, quoique censé : “Ils font chier”.
La novlanguisation, c’est ce mouvement de simplification des mots et de la pensée qui substitue la caricature à la nuance, le simplisme à la diversité.
C’est cet élan servile qui pousse tous ceux qui ont quelque chose à reprocher aux Gilets jaunes (et Ô combien y a-t-il des choses, et sérieuses, à leur reprocher !) à considérer la phrase : “Ils me font chier, les Gilets jaunes !” comme l’alpha et l’oméga de la pensée et de la réflexion. Et qui pousse également ceux qui ont des sympathies pour ce mouvement à laisser faire en sa marge ou en son sein des comportements inacceptables.
Et c’est ainsi qu’on arrive à ce triste tableau fantasmé dans lequel il n’y aurait, d’un côté, que d’insupportables bobos bien-pensants, et, de l’autre, qu’une populace envieuse, complotiste et antisémite…
C’est précisément dans ce mouvement de réduction de la réalité à sa caricature (et parfois, hélas, à son insupportable réalité partielle…) qu’est la novlanguisation à laquelle il faut résister.
Elle finit en effet par se propager des mots aux choses. Par un phénomène singulier, se met en place dans les périodes de tension, une sorte d’attraction du pire : chacun, dans son camp, se rallie volens nolens à ce qui paraît le plus solide, qui est aussi souvent le plus sordide et le plus facile. Et la novlanguisation des mots et de la pensée se transmet alors progressivement aux choses et aux êtres qui se moulent dans le moule que les mots ont forgé. Car les mots façonnent le monde.
Pas d’enregistrement préalable cette fois-ci : de cela l’idée est venue tandis que j’étais parti.
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La manichéisme quand il nous tient, noir ou blanc, beau ou laid, sans nuance aucune. Et on parle de diversité !
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“Ils font chier”.. Ils ont au moins servi à quelque chose. Ils ont déconstipé une partie de la population coincée dans sa vie dorée. Amitiés.