Les enchanteurs


Je regardais une émission sur Kate Bush et découvrais que chaque été, dans les grandes villes d’Europe, des centaines de fans et de fidèles se réunissent, vêtus de rouge comme elle était vêtue de rouge quand elle chantait Wuthering Heights et dansent en de grandes chorégraphies semblables à celles qu’elle mettait en scène dans ses spectacles. Et je me disais qu’il n’y a guère que les chanteuses et les chanteurs à savoir susciter une telle fascination, une telle admiration.

On peut être admiratif devant une belle statue, un beau monument, un beau tableau ; on peut être saisi par un beau poème ; on peut être stupéfait par la beauté d’une femme (et peut-être d’un homme) mais il n’y a que la musique, la voix et le chant pour nous entraîner vers d’autres mondes, nous ravir à nous mêmes. Même le cinéma, sans son, perdrait tout son pouvoir.

C’est le chant, seul, qui détient ce sortilège, le chant, seul, qui sait nous enchanter.

L’enchantement est la magie du chant, sa capacité à nous entraîner vers les abîmes lorsqu’il est chant des sirènes et vers les sommets du ciel lorsqu’il est chant des anges. Il est la voix de l’hypnose qui, à travers des chemins secrets, nous conduit vers des enfouissements de nous-mêmes, le chant de la folie, de la transe et de la guerre qui pousse les hommes à dépasser leur peur pour aller au combat ; il est ce qui sait nous transporter hors de nous-même. 

La vue aussi sait nous captiver ; nous le savons bien avec nos écrans. Mais l’attention qu’ils accaparent est plus superficielle ; elle ne s’attache qu’aux images qui bougent à la surface de l’écran. Alors que l’attention du chant, de la musique, de la voix touche en nous quelque chose de plus profond, de plus sensuel, de plus animal, de plus spirituel aussi – ce que souvent on appelle l’âme et qui sait, sur les ailes de la musique, voyager vers d’autres lieux, d’autre temps, d’autres mondes.

Et les maîtres de la musique, qui sont pour cela adulés, sont les vrais magiciens, sont les vrais enchanteurs.


PS : le site officiel de Kate Bush

Aldor Écrit par :

9 Comments

  1. 20 septembre 2019
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    C’est vrai ! Et pourtant, ce sont les livres, ce sont les poèmes, en leur langue à la fois sonore et muette (puisque je les lisais en silence) qui m’ont donné les plus grandes émotions, ou peut-être les plus durables, les plus transformatives. Et pourtant (bis), leur pouvoir était moins “enchanteur” que celui de la musique, et si les transformations apportées par la littérature sont demeurées plus lisibles, celles apportées par la musique sont peut-être d’autant plus profondes qu’elles échappent à ma conscience et à ma mémoire active.

    • 20 septembre 2019
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      Les émotions les plus transformatives, oui. Mais non les plus grandes.

      Peut-être est-ce la limite de la musique. Elle ne sait qu’émouvoir ?

      • 20 septembre 2019
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        Si, les plus grandes aussi, pour moi. Ou disons… Sinon les plus amples, les plus aiguës. Mais cette amplitude justement est irremplaçable, qui prend le corps dans sa matérialité. La musique est capable de nous lier et de nous emporter plus que toute autre forme d’art, je suis d’accord avec toi. Je m’exprime mal : il faut que je consente pour qu’un texte m’emporte, mais la musique ne me demande pas mon avis. Elle seule est comme la mer.

        • 21 septembre 2019
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          Comme la mer. C’est cela : elle nous enveloppe et nous nous y abandonnons.

  2. 20 septembre 2019
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    (Un jour j’apprendrai à réfléchir avant de commenter…) 😉

  3. 21 septembre 2019
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    La musique m’a toujours emportée, transportée, enchantée ! Que de frissons en l’écoutant, que de nostalgie (Kate Bush, toute une époque !), que de joie ! J’ai été bercée, gamine, par la musique classique, mon père était un mélomane passionné, mon frère était un musicien, il m’a séduite également par les sons de sa guitare. La musique est vibration, comment ne pourrait-elle pas nous faire vibrer ?…

  4. 22 septembre 2019
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    Comme le dit si justement Frog, la musique emporte sans nous demander notre avis, ell

  5. 22 septembre 2019
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    Oups c’est parti trop vite ! Donc la musique ne nous demande pas notre avis et pour moi, Il n’y a pas besoin d’y ajouter la pensée … Elle parle à mon corps ce que l’écrit ne fait pas.
    Amitiés Aldor.

  6. 24 septembre 2019
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    Le corps et la voix : certains artistes ont en effet cette capacité à nous engager, à nous faire rentrer en nous. Je reprends votre exemple de Kate Bush qui chante avec son corps. Ses mouvements dans cette robe rouge dans « Wuthering Heights » ont toujours eu un caractère hypnotique pour moi. Aldor, je crois que vous venez de m’inspirer un de mes futurs billets ! Merci !

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