Écosystème

J’assistais hier à une réunion (à distance, évidemment), sur un sujet horriblement technique et compliqué relatif aux données et aux gestionnaire de réseaux d’énergie. C’était en anglais et pas forcément très facile à suivre mais voici qu’à un moment donné, le présentateur a prononcé le mot magique, sans la mise en avant duquel plus rien ne peut se faire aujourd’hui, celui d’écosystème : “notre application, a-t-il dit en gros (les puristes me pardonneront) est au cœur d’un véritable écosystème”).

A peine  avait-il prononcé ces mots que les écailles nous sont tombées des yeux et que ce qui, jusqu’alors, avait pu paraître obscur s’est éclairé. Nous avons été d’autant plus saisis qu’au même moment, il a projeté sous nos yeux ravis une animation qui permettait d’apercevoir le chemin de roses que, grâce à son application, nous allions parcourir : c’était, sur un fond bleu, un petit sentier blanc qui se dessinait, dont le parcours était décrit, en off, par une voix féminine à la fois élégante, professionnelle et vive comme une cascatelle. Cette voix, qui nous enchantait comme celle des sirènes d’Ulysse, nous racontait l’avenir radieux que nous allions bientôt connaître et qui se dessinait, sur nos écrans ébahis , empruntant la forme de cercles qui naissaient le long du sentier, éclosaient comme des fleurs et se reliaient les uns aux autres par d’élégantes et délicates arabesques. Et on oubliait les termes barbares : Data, suppliers, blockchain, DSO, apps, pour ne plus respirer que l’ivresse du bouquet. Et la voix envoutante poursuivait : demain, plus rien ne serait pareil : finies, les peines et les douleurs, finies les larmes ;  dans l’Eden retrouvé que permettrait de bâtir l’application sobrement baptisée Platon, le bonheur serait à notre portée ; nous n’aurions plus qu’à le cueillir, comme des fleurs, justement.

Béni soit l’écosystème et le bonheur qu’il promet ! Béni soit le wordwashing !