Il y avait ce matin, du côté de Jussieu où je me promenais, une brocante. Plein de marchands vendant des objets hétéroclites à plein de gens.
Je n’aime pas les brocantes et les fuis. Mais ce réflexe de fuite est si prégnant, si physique, que je me demande s’il ne cache pas une angoisse, un refus d’affronter mes propres turpitudes : il y a en effet une certaine ressemblance entre cet agglomérat d’intérêts disparates et mon extraordinaire capacité à me prendre d’intérêt, à me passionner pour une chose ou un sujet, et à l’abandonner pour une autre quelques jours ou quelques semaines plus tard ! Car moi aussi, sans chiner, je bouvarde et pécuche, maladivement, compulsivement, semblable aux héros de Flaubert !
Quand je fais la liste (certainement incomplète) des hobbies-lubies que j’ai eus depuis un an, la tête me tourne : chaussures de randonnée, casques haute-fidélité, Ayn Rand, sacoches à vélo, plumes de calligraphie, musique baroque, briquets Zippo, téléobjectifs, Jeanne d’Arc, sacs à dos, Rosemary Standley, batteries portables, format FLAC, Carl Jung, bonnets, stylos Sailor, Abélard, cire à cacheter, sacs de couchage, Lisa Ekdahl, bracelets NATO, Ève d’Autun, boules de pétanque, ligature d’Isaac… Et à chaque fois, la velléité de me plonger à fond dans le sujet pour finalement l’abandonner quelque temps après, en ayant choisi un autre : incroyable !
On lit parfois que c’est le capitalisme ou la société de consommation qui suscite chez les hommes et les femmes cette addiction à la nouveauté et au renouvellement. Je n’en crois pas un mot : la société de consommation n’a fait que suivre notre tendance profonde à tout avaler comme la créature du Voyage de Chihiro, à papillonner de passion en passion comme Bouvard et Pécuchet.
La photo, prise rue de Belleville, représente un magasin où, comme dans nos têtes, tout se mêle : crèmes miracle, pistolets à eau, statuettes de saints, insecticides, perruques, bouddhas, balais : le grand bazar de notre esprit.
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Coucou Aldor,
J’adore ton article, parce que il est complètement inattendu.
Quant tu écris en parlant des brocantes « je les fuis », on se dit :
« bon Aldor n’est pas un bon client pour la chine. »
Et puis quand j’ai lu la suite, j’ai ri !!!!
Ta longue liste est renversante 😉
À te lire, je ne me sens pas seule.
Car comme toi et très souvent j’ai le sentiment de me prendre de passion pour une chose ou une autre, puis de me mettre à papillonner pour finir de totalement délaisser une idée, un thème, un type d’objet, une quête…
Ce sont des temps de vide, de plein et de trop plein, des vagues qui vont et viennent en nous, et qu’au final, un étal apaise .
je t’embrasse fort
Corinne
j’adore ta photo 😉
Merci Paquerite,
Je ne crois en effet pas être le seul. Peut-être parfois ne le voit-on pas ou croit-on que c’est quelque chose de
profond qui nous entraîne dans une nouvelle direction de la vie. Mais s’il y a effectivement des découvertes qui nous transforment radicalement (l’amour, une lecture, une pratique), elles n’arrivent pas tous les quatre matin !
Mais je suis bien daccord avec toi : ce papillonnage peut paraître négatif mais il ne l’est pas, en fait.
Bises.
Eh oui : la devanture de cette boutique est extraordinaire.