Vaguemestre, garde-champêtre : tout cela a, peut-être à tort, le son un peu vieillot, le son d’accordéon d’un monde un peu plus doux.
Catégorie : Le monde tel qu’il est
Les êtres, humains mais aussi animaux, les êtres humains comme les autres animaux, ne sont interchangeables que pour celles et ceux qui les veulent interchangeables,…
Ne pas oublier pour ne pas, par lassitude, pragmatisme et dégoût de nous-mêmes, sombrer dans l’indifférence, pour ne pas finir par accepter l’inacceptable.
L’histoire des hommes, et plus largement celle de l’espèce humaine, est histoire du même et de l’autre, une danse perpétuelle, entre l’universel et le particulier, l’unification et la différenciation, le simul et le singulis.
Qu’on porte plus d’attention aux victimes qui nous sont proches qu’à celles qui, à tort ou à raison, paraissent plus éloignées, c’est normal et sain. Mais qu’on oublie les victimes de l’autre camp, ou que, dans notre façon d’en parler, on manifeste qu’on les juge moins importantes, moins dignes d’attention, de respect ou de compassion que les autres, et on s’engage alors sur le chemin de la propagande, qui conduit au pire.
La femme de Montserrat, sculptée par Juli Gonzàlez, et qui hurle sa douleur, n’a ni camp ni patrie. C’est une paysanne catalane (mais elle pourrait être de partout), et on ne sait si elle a été victime des crimes fascistes dénoncés par Georges Bernanos ou des exactions républicaines dénoncées par Simone Weil. Et cela importe peu car cette femme, cette Pietà moderne, incarne, dans la souffrance de son cri, toute la douleur humaine, l’universelle et unique douleur humaine.
Il y a l’injustifiable, l’irréparable qui a été commis et qu’on ne peut laisser impuni.
Et puis il y a l’idée qu’on ne combat jamais pour le passé et pour punir mais seulement pour construire un avenir meilleur, et que c’est cela seul qui doit guider.
Il y a l’idée que c’est justement parfois en ne laissant pas le passé impuni que l’avenir peut vraiment se construire.
Et puis il y a l’idée qu’il y a des façons de punir qui reproduisent le mal commis et qui ne font que remettre une pièce dans la machine.
Le privilège du plus fort, le vrai privilège du plus fort, n’est pas de pouvoir imposer sa loi ; il est d’être celui, il est d’être l’unique qui, parce qu’il n’en a pas besoin, peut vraiment proposer la paix.
Quelque part dans les enfers, le Malin se frotte les mains. Car il a, une nouvelle fois, réussi à brouiller les cartes, à salir pour des années la cause qu’on voulait défendre et à rejeter dans le silence les femmes et les hommes de bonne volonté.
Ni les migrants qu’on laisse se noyer en Méditerranée, ni les populations qu’on laisse être exploitées, ni les massacres de lycéens en Ouganda, ni les famines, guerres et exils qui se propagent un peu partout, ni les exactions commises par l’Etat israélien, ni la douleur, immense, des Gazaouites bombardés et assiégés ne sauraient justifier ce qui a été fait. Rien, jamais, ne justifie le Mal.