Égalité, différence, choux, carottes et ratatouille

Dans le très juste et très important combat pour l’égalité entre hommes et femmes, notamment au travail, il m’est souvent arrivé de plaider pour une égalité respectant les différences, ces différences qui justifient justement qu’on plaide pour une plus grande mixité.

Mais ce positionnement : hommes et femmes sont différents mais ils sont égaux, est en fait un peu facile, un peu rapide, un peu faux-cul. Et c’est mettre le problème sous le tapis que de prétendre ainsi le résoudre. Car quand on pose la différence en point d’entrée, il est difficile, ensuite, de raisonner en termes d’égalité.

C’est le problème des choux et des carottes. Additionner les choux et les carottes n’a pas de sens car ce sont des légumes différents. Et comme ils sont différents, on ne peut ni les additionner, ni vraiment les comparer, ni prétendre qu’ils sont égaux ou inégaux. Déclarer des choux et des carottes qu’ils sont égaux ou inégaux serait une absurdité, un non-sens.

(C’est à ce moment du raisonnement que les choses deviennent délicates : n’est-il pas bien imprudent, voire injurieux, s’agissant d’hommes et de femmes, de les comparer à de vulgaires légumes ? Car qui, dans la métaphore, sera le chou ? Et qui la carotte ? Est-ce que par hasard je voudrais insinuer que l’homme diffère autant de la femme que le chou de la carotte comme le seraient les représentants de deux espèces ? Sur quelle dangereuse patinoire ne suis-je pas en train, par ces propos, de m’aventurer ?)

Calmons le jeu et envolons-nous sur les ailes de la métaphore. Je ne connais pas de plat où se mêlent choux et carottes mais je connais la ratatouille. Et dans la ratatouille, on a absolument besoin, entre autres, de tomates et de courgettes. Dire que tomates et courgettes sont égales n’a pas de sens mais elles sont également bienvenues, désirées, attendues – elles sont également nécessaires. Et la bonne ratatouille n’est pas celle où les choses sont tellement mélangées que plus rien ne se distingue au sein d’une mixture insipide mais celle où, la diversité d’origine étant scrupuleusement respectée, les arômes s’enrichissent de leurs différences.

Eh bien ! Auditeurs attentifs et férus de cuisine, suspendus à la conclusion de cette image poétique et tellement novatrice, il en va de même dans cette bizarre ratatouille qu’est la grande société humaine, et dans ces petites ratatouilles que sont les entreprises : il y faut des choux et des carottes.

Pas plus de choux et de carottes dans la photo de titre, prise au marché de la ville de Corfou, non loin de la maison natale d’Albert Cohen, que dans la ratatouille. Les tomates sont-elles égales aux courgettes ?

Aldor Écrit par :

2 Comments

  1. celestine
    14 mai 2021
    Reply

    Bon je n’argumenterai pas sur le fait que je suis niçoise, et que je n’ai jamais mis de carottes dans la ratatouille.
    Hihihi !
    😂

    • 15 mai 2021
      Reply

      Heureusement ! Chère Célestine.

      Mais dis-moi. Quelqu’un me dit qu’il y a un ordre de cuisson à suivre pour que les légumes de la ratatouille dégagent tout leur arôme.

      Le connais-tu (toi qui est Niçoise) ?

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