Le ciel bleu et la catastrophe


Discussion, l’autre jour, avec ma fille, sur la question de savoir s’il était légitime, ou indécent, ou peut-être les deux à la fois, de se réjouir du beau temps qu’il faisait, du soleil brillant dans le ciel bleu, alors que ce beau temps était le signe ou l’indice du dérèglement climatique qui nous menace tant et tous.

On voit souvent cela : des personnes se réjouissent des températures clémentes qui leur permettent de se promener en bras de chemise ou de se baigner ; et d’autres qui viennent contredire les premières et ronchonner, leur reprochant de prendre plaisir aux premiers effets de la catastrophe prochaine.

Si nous étions des êtres de pure raison, insensibles à la moiteur et à la gluance des choses, la question ne se poserait pas : nous pourrions, sans risque, admirer la beauté d’un ciel bleu et profiter, au coeur de l’hiver, d’une météo estivale, sans pour autant oublier l’effet de serre, les incendies et les impératifs de la lutte contre le réchauffement.

Mais nous ne sommes pas ainsi faits. Nous sommes fascinés par la beauté, le plaisir, la douceur des choses, au point d’avoir le plus grand mal à nous en défier. Que le diable puisse être beau, que la tendresse puisse être maléfique nous est une profonde et insurmontable hébétude.

C’est pourquoi depuis toujours la règle et la discipline ont été confiés aux pères fouettards et aux intransigeants, aux Tartuffes et aux Talibans, aux Manichéens de toute obédience qui voient dans le moindre pas de côté l’amorce de la chute, dans le moindre sourire l’annonce de la damnation, dans la chevelure le péché et dans le plaisir le stupre.

Ces directeurs de conscience croient bien faire et nous rendre le fardeau plus léger en éloignant de nous le doute, le vertige de la tentation. Ils pensent sincèrement nous protéger. Mais leur protection est une prison, un geste de mépris.

Je n’ai pas besoin qu’une femme soit cachée par ses vêtements pour réfréner mes désirs ; je n’ai pas besoin de maugréer sur la douceur du temps pour agir contre le changement climatique.

Et ceux qui, par défiance envers moi, en ma capacité de maîtriser mes désirs et de voir plus loin que le bout de mon nez, prétendent m’interdire de sourire à la beauté des choses, ceux-là décidément m’insupportent. Qu’ils gardent pour eux seuls leur monde en noir et blanc ; et qu’ils nous laissent les couleurs de la vie.


La photo, qui montre les fruits d’un arbre du clergé, a été prise en octobre à l’arboretum de la Vallée aux Loups.

Aldor Écrit par :

3 Comments

  1. 11 janvier 2022
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    Je suis d’accord ! Ah…les rabat-joie, les pisse-vinaigre sont légions…
    Notre mental aussi, joue les empêcheurs de jouir en rond, en nous ramenant constamment du négatif dans le moindre instant de félicité.
    C’est vrai, on a le droit de se réjouir du beau temps, tout en ne réfutant pas les alertes qui sonnent la fin d’un monde.
    Mais à toujours penser à la mort quand on est bien vivants, à la maladie quand on pète de santé, et à tout ce qui pourrait nous tomber sur la tête alors que tout est calme et tranquille…on ne vit pas vraiment.
    Cela dit, il y a quand même un monde entre les écologistes et les Talibans. Le parallèle est un peu osé, si je puis me permettre ce bémol.
    •.¸¸.•`•.¸¸☆

    • 11 janvier 2022
      Reply

      Mais Célestine ! Ce ne sont pas les écologistes que je compare aux Talibans ! Seulement les pisse-vinaigre et les empêcheurs de danser en rond !

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