Étienne, Étienne, Étienne !

Aristide Maillol, Hommage à Cézanne

Rue de Seine, hier matin, un homme, derrière moi, appelle Étienne, un Étienne que je ne suis pas.

Mais à l’appel de ce prénom, revient à ma mémoire pour y tourner en boucle tout au long du chemin la sublime et sauvage chanson de Guesh Patti, Étienne, Étienne, Étienne, qui, il y a longtemps, enflamma mes journées de ses rythmes barbares et de ses paroles équivoques (équivoques ? me demande Olivier d’un ton malicieux – Il a raison : pas tellement équivoques, en fait).

Près de quarante ans après, quel bonheur de se souvenir des attaques de la batterie, du long râle initial qui colorait tout le morceau, du souffle haletant de la guitare électrique, de la voix renversée et renversante de la chanteuse ; quel bonheur de revivre l’extase stupéfaite de la première audition. C’était tellement provoquant, tellement incorrect, tellement vulgaire et cependant joyeux, tellement disruptif, en ce temps où ce mot n’existait pas encore parce qu’il n’avait pas besoin d’exister, parce qu’il n’était nul besoin, alors, de cache-misère.

Cette musique a dansé dans ma tête tout au long du chemin. Elle était là tandis que je traversais la Seine sur un Pont des arts blanchi par les flocons, que j’admirais les corps alanguis des statues de Maillol revêtus d’un voile de neige, que j’enfonçais mes pas dans le coton poudreux recouvrant le Square Marigny ; et que, remontant les Champs-Élysées, je détournais mes yeux de l’affreuse malle dont Louis Vuitton a recouvert son immeuble : il y a trop de belles choses dans le monde pour perdre son temps avec celles qui sont laides.

Et toujours, dans ma tête, la musique qui dansait, infiniment vulgaire, suggestive et joyeuse ; infiniment libératrice. Libératrice non pas seulement parce qu’il était question de soulever, entre autres choses, les interdits, mais parce qu’on avait l’impression, à écouter et à voir Guesh Patti, qu’elle s’était, en écrivant cette chanson, en la jouant, en tournant à cette occasion un clip qui avait fait scandale et avait été interdit dans plusieurs pays ; qu’elle s’était, à cette occasion, totalement lâchée, totalement libérée. Et c’était ce sentiment de libération, de liberté, de dépassement de tous les interdits qui, en même temps que la musique endiablée et le texte déjanté, était profondément libérateur et jubilatoire.

Jubilatoire, décapant et presque révolutionnaire, c’est cette énergie là qui émanait de cette chanson.

Aldor Écrit par :

Un commentaire

  1. […] la joie, la jubilation qu’elles peuvent dégager et dont j’ai déjà parlé (Étienne, Étienne, Étienne !), il y a, dans certaines formes de vulgarité, dans certaines façons d’être grossier, une […]

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