Éloge de la vulgarité

Un pan de mur, rue du Château des rentiers, à Paris

Quand le monde est ou devient rugueux,
Hostile, terrible, dur à ceux qui n’ont rien,

Les mots lisses, ou qui deviennent lisses,
Les discours polis,
Les paroles policées,
Les propos lénifiants,
Ces phrases qui sonnent bien mais qui ne donnent rien,
La bonté qui en demeure aux mots,
La bienveillance brandie comme une formule vaine,

Tout cela devient comme un mensonge,
Une facon de nier le malheur,
De dénier aux malheureux le droit d’être malheureux.

Quand la langue, ainsi, trahit la vérité,
Quand, ronde et douce, elle devient narcotique,
Être grossier, être vulgaire, être insultant peut être un bon remède,
Une remise à l’heure des pendules perdues.

Un merde lancé à qui parle pour ne rien dire, c’est un peu de vérité, de vérité boueuse jetée à la figure de ceux qui font des phrases et qui, peut-être, ne savent plus eux-mêmes ce qu’il en est, bernés qu’ils sont par leur propre berceuse.

Outre l’énergie, la joie, la jubilation qu’elles peuvent dégager et dont j’ai déjà parlé (Étienne, Étienne, Étienne !), il y a, dans certaines formes de vulgarité, dans certaines façons d’être grossier, une vertu cathartique qui permet seule parfois que se dissolve, se désagrège le vernis menteur des mots doux. Il faut parfois, pour que le discours reprenne contact avec la réalité, pour que les mots recollent enfin aux choses, le choc brutal de l’injure, la stupéfaction du scandaleux.

Je crois qu’en ces temps-ci, un peu de vulgarité nous ferait du bien.

Aldor Écrit par :

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