Les petits matins d’été

J’aime les petits matins d’été.

Comme un voleur (un voyageur ?)
On quitte la douceur des draps,
Peut-être la chaleur des bras
(Avec regret et soulagement
Car cette douceur est moiteur
Et l’amour envahissement) ;
On quitte la douceur des draps pour embrasser l’autre maîtresse : la ville,
Silencieuse, alanguie, mais sauvage déjà,
Libre,
Libre, sauvage et fraîche encore de la nuit.


On marche dans les rues
Pas tout à fait sorties de l’ombre et des étoiles,
Encore noyées dans le sommeil,
Un sommeil que déchire le cri des mouettes volant dans le ciel bleu.
On avance, ravi,
Les mains se balançant hors des poches crevées,
Souverain du jour, du temps et de soi-même.

Et soudain,
Dans l’éblouissement incroyable de l’aube,
Sur les trottoirs tachés de fête, envahis de poubelles,
Dégoulinant des grandes eaux lâchées par les citernes,
Et d’où s’élève, pétrichor, l’odeur du goudron mouillé,
On est Rimbaud débarquant à Aden,
Nizan et ses vingt ans,
Le monde tout entier à goûter.


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