Charges de service public, intelligence artificielle et connexion des hémisphères

Posez à une IA comme Copilot la question suivante : « Pourrais-tu me faire un schéma représentant les circuits de financement des charges du service public de l’électricité en France ?« 

Vous obtiendrez immédiatement la réponse suivante :

« Je peux certainement t’aider à comprendre les circuits de financement des charges du service public de l’électricité en France.

Voici une description simplifiée :

Producteurs d’électricité : Ils génèrent l’électricité à partir de différentes sources (nucléaire, renouvelable, fossile).

Transporteurs : RTE (Réseau de Transport d’Électricité) gère le transport de l’électricité à haute tension.

Distributeurs : Enedis et d’autres distributeurs locaux s’occupent de la distribution de l’électricité à basse et moyenne tension jusqu’aux consommateurs.

Fournisseurs : Ils achètent l’électricité aux producteurs et la vendent aux consommateurs finaux (particuliers, entreprises).

Consommateurs : Ils paient leur facture d’électricité, qui inclut diverses taxes et contributions.

Les principales contributions et taxes incluent :

CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité) : Financement des obligations de service public (énergies renouvelables, tarifs sociaux, etc.).

TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité) : Financement des coûts de transport et de distribution.

Taxes locales et TVA : Taxes additionnelles appliquées par les collectivités locales et l’État.

Je vais maintenant créer un schéma pour illustrer ces flux financiers. Un instant, s’il te plaît.« 

Cette réponse est loin d’être parfaite ; ceux qui s’y connaissent un peu auront vite fait de repérer des erreurs et inexactitudes, de relever que les informations sont datées et très imprécises. Mais bon ! Rien de choquant non plus et pour une réponse au pied levé sur un sujet dont on ignore généralement tout, ça se tient plutôt bien et c’est même époustouflant.

Mais c’est un schéma qui a été demandé. Et Copilot ne donnant rien de tel (alors qu’il l’annonce dans sa réponse), on le relance sur ce point précis.

Après avoir mouliné une quinzaine de secondes, il livre les deux schémas suivants :

Puis, relancé une nouvelle fois, ces deux-ci :

C’est là que les choses deviennent extraordinaires et que le vertige prend. Car voilà quatre schémas qui, quoique un peu emberlificotés, présentent bien, sont structurés et font sérieux ; ils marquent au surplus une réelle recherche esthétique avec des couleurs, des formes et des pictogrammes qu’on peut ne pas aimer mais qui ont un style. Le problème est que ces schémas qui (la touche d’originalité en plus) pourraient sortir du Boston, de McKinsey ou de Roland Berger, n’ont strictement aucun sens : les flèches vont n’importe où, les boîtes ne correspondent à rien, les mots sont faux ou illisibles ; et d’un schéma à l’autre, il n’y aucune cohérence, aucune identité. Tout cela n’a ni queue ni tête.

Que Copilot ne sache pas faire de schéma, je le conçois (et pour cause !) ; ce qui stupéfie, c’est qu’il en fasse quand même ; et ce qui est prodigieusement intéressant, c’est que son approche des schémas étant purement graphique, le souci sémantique est en totalement absent. L’objectif de l’IA n’est pas ici de produire un schéma qui ait du sens au regard de la question posée, c’est de produire un schéma qui ressemble à un schéma ; et c’est pourquoi les mots, les cases, les flux sont totalement interchangeables : ils ne représentent rien. Ou pour dire les choses autrement, les deux hémisphères du réseau neuronal qui coopèrent chez les humains sont ici déconnectés l’un de l’autre ; et de cette déconnexion naissent des monstres.


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