Avant-hier matin, rue de Vaugirard, arrêté devant un feu rouge, j’ai vu une petite fille, d’une dizaine ou d’une douzaine d’années, qui traversait la rue. Avant de le faire, elle s’était très soigneusement arrêtée au bord de la chaussée, les pieds sur le trottoir, surveillant les alentours. Elle avait vérifié que le feu était rouge, que les voitures des deux côtés stoppaient, que tout était comme il fallait que ce soit. Elle avait ensuite paru vouloir s’élancer mais s’était ravisée et avait jeté un nouveau coup d’oeil au feu, aux voitures arrêtées et au petit bonhomme lumineux, vérifiant probablement qu’il était encore vert. Et c’est après ce second contrôle qu’elle avait enfin très sérieusement, très précautionneusement mais sans hésitation, mis le pied sur la chaussée pour traverser la rue.
Ordinairement, la grâce et le beauté se confondent dans mon esprit avec la fluidité et l’apparence de naturel. C’était ici tout le contraire : il n’y avait rien de naturel dans la façon dont cette petite fille faisait effort sur elle-même pour respecter scrupuleusement les consignes données par ses parents, dans l’attention soutenue avec laquelle elle cherchait à maîtriser ses impulsions, et même dans la sorte de courage et de victoire sur une petite peur qu’on devinait dans sa manière de s’élancer finalement dans la traversée de la chaussée.
La beauté de la scène n’était pas dans la grâce des mouvements qui étaient au contraire heurtés et hésitants mais dans la perception de cette volonté naissante, de ce choix de la conscience qui bataillait dur mais avec persévérance pour discipliner ce corps et ces pensées.
C’était un petit être empli de toute la dignité de l’humanité en ceci qu’il apprenait à maîtriser ses impulsions et ses émotions, à se comporter comme un adulte accompli – comme bien des adultes, bien des années plus tard, ne savent toujours pas le faire.
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Votre article s’apparente au cours de morale que me faisait chaque matin mon instituteur après une courte séance d’éducation corporelle collective dans la classe. C’était le bon temps. Une éducation active qui avait boosté cette volonté du respect du comportement pour se préserver. Merci pour cette douce évocation.
Merci, Charef. Je le prends comme un compliment.
Comme je vois la scène, je suis à vos côtés dans la voiture! Je suis aussi attendrie que vous et m’émeut souvent ce ces moments où l’on voit les petits batailler pour devenir grands. Merci Aldor!
Merci à toi de ta fraîcheur, Clémentine.
Et excuse moi pour les multiples fautes semées dans mon commentaire, comme souvent quand j’écris depuis mon téléphone!
Je ne les ai même pas vues. Et je connais.
Oh ! Je connais bien cela. Et parfois même, ça n’est pas le téléphone qui est en cause.
😉
Adorable ! La petite fille, ton regard tendre et tes mots posé sur elle ! Une belle journée : )
Merci, Lou. Bonne journée à toi aussi.