Les choses sont épaisses et complexes et il faut, me semble-t-il, pour les comprendre, saisir et accepter cette épaisseur, l’accueillir. C’est ce dont il était ici question ces derniers temps.
Mais accepter la complexité, en tenir compte, toujours essayer d’intégrer l’autre plutôt que de le rejeter ou le nier ne signifie pas que l’objectif soit d’aboutir à un conception, une vision, une représentation complexes des choses et du monde.
Au contraire.
Car, par un de ces retournements incompréhensibles et magiques qui font la saveur de la vie et du monde, c’est la simplicité qui se cache au plus profond, à la pointe extrême de la complexité, et sa recherche qui guide notre quête, qui fonde et justifie notre quête. Et cette complexité n’est au bout du compte vraiment comprise et maîtrisée que quand on a su en extraire, ou en dévoiler, les règles élémentaires et pures. Trouver le simple dans le compliqué, c’est la vraie et unique preuve ultime de sa maîtrise.
L’accomplissement de l’art, de la méditation, de la science, de la sagesse, de la poésie, c’est la découverte de cette forme dernière, de cette ultima ratio qui ne peut être dépassée et en qui tout se voit, s’explique, jaillit. C’est ce point de burinage où toute nouvelle atteinte à la pierre conduirait à la déparer, l’équilibre fragile mais trouvé des vers dans le poème, la révélation mystique ou la vision totale que permet l’Aleph, de Borges, cet événement ou ce point de vue, parfois si proche de ce qu’on a toujours cotoyé mais que, soudain, nous rencontrons, que soudain nous voyons et qui fait basculer notre compréhension et chatoyer la vérité. Et cette vérité est simple parce qu’elle englobe tout et qu’elle n’exclue rien. C’est d’ailleurs pourquoi sa qualité, sa justesse, comme on le dit des notes, sautent à l’esprit, à l’oreille et aux yeux : Eurêka ! Id est.
Tout se comprend parce qu’on a fait l’effort de tout comprendre. Et dans cet effort, qu’on a mené en étant guidé par le souci de ne rien rejeter, on a trouvé l’ordre caché, qui est simple et qui a passé l’épreuve du rasoir d’Ockham.
C’est le dessin de l’aile dont parle Antoine de Saint-Exupéry, dont la pureté résulte d’une simplification progressive ; c’est l’action, telle que décrite par Bernard Grasset, qui est la capacité d’extraire de l’enchevêtrement incompréhensible des choses le geste qui, à ce moment là, permet d’avancer.
Il faut, pour saisir et réaliser cette chose simple et peut-être unique, avoir d’abord tout compris, tout pris ensemble.
Car encore une fois, il s’agit d’amour.
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Ne dit on pas que les choses les plus simples sont les plus belles. Dans la pratique du théâtre j’ai constaté que ce qui est compliqué relève de l’amateurisme.
C’est souvent ainsi, c’est vrai. Néanmoins, pas absolument toujours…
Oui pas toujours parce qu’avec le temps les choses évoluent et les choses les plus simples se compliquent et s’adaptent mal au présent. Amitiés
Merci Aldor pour cette belle improvisation ! Comme toi je suis souvent renvoyée à la complexité, à l’épaisseur. Cependant je ne dirais pas qu’on peut la maîtriser. Je ne crois pas que nous puissions en extraire l’équation
Ah mon commentaire m’a échappé. En allant vers cette simplification nécessaire, il me semble qu’il est bon de ne pas oublier que ce que nous avons retranché ne cesse pas d’exister.
Oh oui, Quyên ! Oh oui. L’exemple de l’aile de Saint-Exupéry porte peut-être a confusion et sème le doute mais dans mon esprit, cette simplification n’est juste que si elle englobe et unifie. Elle ne laisse rien de côté mais permet de percevoir comme un ce qui paraissait multiple. On ne retranche pas. On com-prend.