Régulièrement, les entreprises se réforment : les comités qu’on avait élargis sont resserrés ; les directions qu’on avait adoubées sont supprimées ; celles qu’on avait un moment laissées dans l’ombre sortent des oubliettes ; il est décidé de réorganiser les implantations régionales d’une certaine façon, de privilégier les petites structures agiles ou de déployer de grands plateaux en open space, de regrouper les salariés du siège ou au contraire de les disséminer – bref d’entreprendre des réorganisations qui, pendant quelques mois, agitent les conversations autour des machines à café.
Puis les années passent, et une nouvelle réforme arrive, qui vise le plus souvent à défaire l’organisation que la précédente réforme avait mise en place.
On croit d’abord que cette nouvelle réforme vient sanctionner l’échec de la précédente, qu’elle vise à corriger le cap en tirant les leçons du passé et en tentant d’améliorer les choses ; puis le temps et la multiplication des réformes vécues de l’intérieur aidant, on se rend compte que pas du tout : on ne réforme pas l’organisation pour faire mieux ; on réforme pour réformer, c’est-à-dire pour introduire de l’instabilité et du mouvement dans ce qui, sinon, perdrait toute vigueur pour ne plus vivre – et bientôt mourir – que de son inertie.
Les grandes organisations – c’est une chose extraordinaire à découvrir – connaissent des cycles analogues à ceux que Juglar et Kondratieff ont défini pour l’économie. Elles ont cette respiration, ce rythme quasi biologique des saisons et des âges qui fait qu’à la jeunesse succède la maturité, et que celle-ci est ensuite suivie d’une sorte de dégénerescence durant laquelle les choses s’effilochent, perdent sens et se mettent à fonctionner comme de pures mécaniques, ayant perdu l’esprit qui, à leur naissance, les insufflait et les inspirait. Et telle structure, dont le rôle, à sa création, était clair et compris par tous, se détache progressivement d’elle-même, devenant une machinerie bureaucratique dont plus personne ne sait à quoi, au bout du compte, elle sert. Elle vit encore mais a perdu son âme.
Le temps est alors venu de tout bousculer, de tout remettre à plat et de bâtir une nouvelle structure qui aura pendant quelques années, la vigueur de la jeunesse.
Et c’est ainsi que ça fonctionne : les réformes, quels que soient en définitive les mots qu’on met dessus et leurs objectifs prétendus – sont là pour régénérer un organisme qui sinon finirait par s’assoupir.
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As-tu des références? hihi!
Ah non. C’est purement imaginaire, bien sûr.
🙂
Depuis le temps que chaque ministre réforme l’éducation nationale, celle-ci devrait être d’une souplesse fabuleuse… 🙂
¸¸.•*¨*• 🦋
Et elle ne l’est pas, Papillon bleu ??
« pour introduire de l’instabilité et du mouvement » : cela est vrai, et pourtant certaines réformes sont tout de même conservatrices, pour revenir à un « ordre » plus ancien qui convenait mieux à certains…
C’est vrai. Comme un balancement.