Last updated on 9 novembre 2017
Repensant à ce que je disais et écrivais dimanche de la gestion de nos conflits, désirs et instincts par l’incitation, d’une part, et la norme, de l’autre, j’ai réalisé que le gouvernement de nous-mêmes par l’incitation reflétait l’attachement, l’aspiration à la liberté quand le gouvernement de nous-mêmes par la norme reflétait, presque symétriquement, notre aspiration à l’égalité.
Ces deux aspirations coexistent en nous. On pourrait dire qu’elles se combattent mais on peut dire aussi qu’elles dansent l’une avec l’autre, se balancent de part et d’autre d’un même axe, se marient et se combinent, vibrent au sein de nous : nous aspirons, soit simultanément, soit au long de l’écoulement du temps et au gré des situations, à la liberté de l’individu qui, unique, définit seul ses règles, et à cette passion égalitaire, qui naît du souci de justice, et qui rend insupportables les situations d’inéquité.
Et au sein de cette vibration, de cette tension continuelle et éclatante entre la liberté et l’égalité, le troisième terme de la devise nationale : fraternité, vient établir un lien, construire un pont. La fraternité, c’est cette aspiration au vivre-ensemble, cette acceptation et ce désir de la communauté, qui fait que chacun accepte volontiers que ses instincts de liberté soient pesés et modérés à l’aune de l’égalité, et qui nous conduit inversement à accepter que l’égalité laisse cependant une place, la place qu’il faut, la place nécessaire, à la liberté de chacun, car la communauté que nous construisons chaque jour et où nous voulons vivre est volontaire et non emprisonnante.
Liberté, égalité, fraternité, c’est la reconnaissance des aspirations contraires que nous portons en nous car nous sommes des êtres divisés riches et complexes, et l’expression de notre souhait de les concilier volontairement au sein d’un ensemble plus grand.
PS : Katia me fait remarquer que “divisé” n’est pas le terme adéquat. Elle a raison. Nous sommes riches, plutôt, de nos aspirations diverses (et parfois changeantes) qu’il nous faut apprendre à mettre en harmonie, comme le ferait un chef d’orchestre..
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Je ne parviens pas à saisir en quoi liberté et égalité seraient contradictoires…
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En quoi liberté et égalité sont contradictoires ? La question est difficile, Célestine.
Dans mon esprit, la liberté est très attachée à la personne en ce qu’elle a de singulier : elle a ses élans, ses pensées, ses préférences et est libre d’aimer ou de ne pas aimer ce qu’elle veut. L’égalité loge tout le monde à la même enseigne, sans forcment tenir compte des différences initiale.
C’est un peu la différence que certains théoriciens du socialisme et du communisme (idéaux l’un et l’autre, bien sûr) faisaient lorsqu’ils parlaient du passage d’une société où chacun recevait selon son travail à une société où chacun recevrait selon ses besoins. Lorsqu’on reçoit selon ses besoin, ce n’est plus l’égalité mais autre chose, qui peut-être l’équité.
En fait, ce ne sont pas deux valeurs opposées mais plutôt deux valeurs perpendiculaires qui n’ont que très peu de chances de se concilier, sinon dans la fraternité, qui est une sorte d’amour du prochain.
Je crois.
… et quelque chose d’autre me vient à l’instant dont je reparlerai : la liberté, c’est de faire ce que notre nature nous conduit à faire. Et de ce point de vue, la liberté du lion n’est pas celle de la souris. C’est la fraternité qui leur permet de vivre ensemble.
Si l’on considère la liberté comme l’expression sans contrainte de notre volonté sans regard à autrui alors en effet les libertés sont parfois concurrentes.
Mais…dès lors que nous faisons société l’autrui est là, qu’on le veuille ou non. Liberté et égalité doivent se considérer l’une et l’autre, l’une à l’aune de l’autre.
Égalité des libertés, que la liberté des uns ne contraint pas celle de l’autre évidemment.
L’égalité permet la liberté. La liberté doit être contrainte et pas seulement l’expression sans contrainte d’une volonté. Lorsque que l’égalité soumet un individu à un autre, la liberté de l’un n’est plus, au profit de l’autre (si tant est que soumettre soit une liberté, ce que je ne crois pas du tout, à moins que ce soit consenti par l’autre, en tant qu’individu initialement libre et nous déjà soumis…).
Je me permet de vous proposer la lecture du grand Condition de l’homme moderne, où Hannah Arendt replace ces conceptions dans le champ politique. Magistral.
Bonne journée 😉 (Et belle articulation sur la fraternité ! )
[…] via Liberté, égalité, fraternité – Improvisations — Improvisations […]
[…] la conversation que j’avais eue, par blog interposé, avec Célestine, à propos de la liberté et de l’égalité. Je me disais que, si même le lion avait finalement mangé le rat, aurait-on pu le lui reprocher ? […]
Ce qui est terrible, c’est de penser que l’égalité “loge tout le monde à la même enseigne, sans forcément tenir compte des différences initiales.”
Parce que ce n’est pas du tout cela. L’égalité, c’est bien évidemment l’égalité de droits, c’est à dire de prévoir la même peine pour le même délit, et la même récompense pour le même effort ou travail.
C’est la base de la justice, et il n’est pas de liberté sans justice.
La fraternité est un bon liant, tu as raison.
Enfin, devrait être.
Parce qu’on est un peu loin de la devise républicaine ces temps-ci…
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