Contenance


 

J’étais, un de ces matins derniers, au croisement de la rue François Ier et de l’avenue Montaigne, quand sont passés devant moi, discutant avec animations, trois hommes. Il étaient élégants, portant des habits bien coupés et faits de beaux tissus, avaient de la prestance, mais me frappèrent surtout par leur contenance. Ils avaient de la contenance et paraissaient transporter avec eux, autour d’eux, leur monde, comme une carapace.

Je pense que, nus à la naissance comme le raconte la fable d’Epiméthée, nous nous forgeons très vite une seconde peau, une sorte de fourrure avec laquelle nous traversons le monde. Elle est faite de vêtements, de connaissances, de savoir faire, de métiers, de façons d’être, d’argent, de manières de marcher, de manger, de parler – de tout ce qui existe et qui nous permet de ne pas être nus face au monde. Peut-être est-ce en partie pour cela que nous déployons une telle activité dans notre existence : pour nous donner une contenance. Car sinon, le monde nous mangerait.

Et les occasions et les êtres avec et dans lesquels nous acceptons de nous dévêtir et de nous montrer nus, quand nous acceptons de le faire, sont rares et triés sur le volet.

 

Aldor Écrit par :

9 Comments

  1. 30 novembre 2017
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    Nous allons notre corps habillé pour le protéger de la froidure et des regards, manteau sur manteau, au-dessous toujours une autre peau, et chaque fois nous lui donnons le même nom : voyez ce manteau comme il beau ! c’est moi !.

    • 2 décembre 2017
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      Oui, parfois on est fier de ses habits. Mais même quand on ne l’est pas, on les porte – ce qui est en partie normal, au demeurant.

  2. 30 novembre 2017
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    Et quelquefois, sous le vernis, la résurgence de nos plus beaux repentirs.

    • 2 décembre 2017
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      C’est très joli. Mais je ne suis pas sûr de comprendre. Tout cela bout en dessous et menace de faire craquer le vernis. Est-ce cela que tu veux dire ?

      • 2 décembre 2017
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        Je pensais au repentir en peinture. A cette première esquisse enfouie sous le vernis. Peut-être sommes-nous un peu à son image. Dissimulés. Nos faux-semblants.

  3. j’essaie de m’affranchir de tout çà, cela s’appelle “l’humilité et la simplicité”. Par exemple, mes études et mes capacités ne m’empêchent pas de m’habiller aux puces et de ne pas rechercher l’argent et le pouvoir. Le sens est ailleurs pour moi. En général, ces gens me “font pitié”. Mon frère est banquier à Paris. Ce qu’il doit montrer de lui dans les rues n’est pas l’homme que je connais. Et c’est triste, je trouve…

    • 2 décembre 2017
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      Oui Et non. Les habits dont je parle ne sont pas forcément faits de clinquant, de chic et de perles brillantes. On peut également s’habiller de misère, de piété, de colère, d’excentricité, etc. Comme on peut naturellement être ainsi sans aucun artifice. Je ne vois quant à moi rien de choquant dans l’élégance mais dans les trois hommes que j’ai croisé, les hommes disparaissaient sous la contenance. C’est difficile à expliquer.

  4. 30 novembre 2017
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    Je crois comme vous qu’à partir du moment où on est élevé dans une culture, en relation avec des personnes elles-mêmes inscrites dans une certaine société, avec ses codes et ses références, on n’est plus “nu comme l’enfant qui vient de naitre” et c’est peut-être une très bonne chose.

    • 30 novembre 2017
      Reply

      Une très bonne chose ? En partie, certainement, vous avez raison. Mais quelque chose est perdu, dans l’affaire.

      Savoir jouer de l’un et de l’autre, savoir se revêtir et se dénuder, avoir de la souplesse sans jamais se laisser enfermer dans la nature ou l’artifice, voilà sans doute ce qu’il faut viser.

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